Des pas sur le mont

Vers les premier beaux jours, je pris le chemin creux qui cédait sous le pas et la boue n’aidant pas je patinai longtemps dans l’ascension du mont qui s’arrondissait, adossé au sud-ouest : le soleil lui faisait une couronne et en ce début d’après-midi ma main esquissa les doigtés d’une sonate, mélodie d’antan habitée vers la fin d’un délire annoncé et développé où mon esprit vagabonda en un étirement délicieux qui semblait viser l’étendue souple du piano. J’avais avancé au rythme de la main gauche, notes détachées qui avaient laissé mes traces de pas tenir contre la terre en un dessin régulier que je contemplai lors d’une brève pause.

Tu es seul, dit la voix, constate-le sans en rajouter, goûte le moment et songe que rien n’est jamais venu avant cette halte, reprise de souffle face à l’ombre de toi-même qui se précipite à contre-pente, et sens la légère chaleur qui glisse sous le col arrosé des rayons. Tes pas disent que tu as été ; chacun d’eux dit la seconde fraîche et le mystère est sans doute dans l’espace franchi, entre les notes, les secondes, peut-être les pas.

D’où ma contemplation stupéfaite au milieu des bouleaux qui s’épousent, balbutiant des feuilles assoiffées de lumière ; l’écorce blême a ses traces elle aussi, songé-je, traits de crayon qui suscitent le désir d’être imités à main levée sur le croquis lumineux d’un trop modeste talent, entailles d’un alphabet magique et austère à la fois, traces encore que le tronc blanc suspend, comme le silence les notes, la boue les pas.

Je repris l’ascension et insoucieux désormais du passé, j’eus la récompense des sommets où j’errai jusqu’au bas du jour, porté par les folles mélodies que j’inventai au cru du présent déclinant.