corolle

corolle de l’aube
je te devine ce jour en robe vive
à l’instant où tu paraîtras tout à l’heure
au lointain de la rue
tes lèvres emprunteront à l’ombre des murs
la gravité du ton
et ta voix reprendra le rythme des branches
qui craquent sous mes sandales
humectées de rosée
je verrai s’amincir et se dissoudre l’enveloppe d’effroi
qui me tenait lieu de coeur battant

je marcherai à tes côtés
visité du matin doux
je crois bien que soudain feront défaut
les mots
leur suspend devenant qualité
(ils ne briseront plus l’air)
fraîcheur du silence
qui ne demande qu’à monter

chaque jour soit ainsi
le temps peut ronger les sangs
nous ne céderons pas

4 réflexions sur « corolle »

  1. chaque jour soit ainsi
    le temps peut ronger les sangs
    nous ne céderons pas

    la leçon d’Eluard : faire en sorte que le vers paraisse en rupture avec le précédent. (en apparence bien sûr).

    1. je ne connaissais pas ce précieux conseil d’Eluard; soyez-en remercié. Ce que vous disiez l’autre jour sur le sens et la musique (“intelligibilité et dérive” disiez-vous) fonctionne correctement puisque le son “s” ‘soit, ainsi’, ‘sang’, ‘cèderons’, permet le saut de l’un à l’autre vers [ceci pour commenter votre admirable parenthèse: “en apparence bien sûr”]. Les sons sont les plus précieux auxiliaires pour garder le lien dans les ruptures.

      1. Pardonnez moi le conseil ne vient pas d’Eluard lui-même mais d’un commentateur

        1. Eh bien c’est un très habile commentateur. Vous lisant je ne pensais pas à Eluard mais à Breton dont l’Ode à Fourier par exemple m’a toujours stupéfié par ses sauts de sens d’un vers à l’autre. Je ne m’en lasse pas. On admire à juste titre l’entrée d’objets quotidiens dans la poésie d’Aragon mais il me semble que Breton a un empan beaucoup plus large encore, mondial, culturel, mais de tous ordres et qui est bien à la hauteur de notre temps. Merci en tout cas pour cet accent mis sur la rupture d’un vers à l’autre, c’est très précieux.

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