jadis nos regards sautant le ruisseau
se croisèrent sur les remous du cours vagabond
j’admirai bientôt ta rivière qui appelait les affluents
notre rencontre eut lieu à l’auberge de l’an neuf
là où les rives du fleuve se serrent au même lit
Le blog de Raymond Prunier
jadis nos regards sautant le ruisseau
se croisèrent sur les remous du cours vagabond
j’admirai bientôt ta rivière qui appelait les affluents
notre rencontre eut lieu à l’auberge de l’an neuf
là où les rives du fleuve se serrent au même lit
comprends moi je suis vivant mon âme
je ne me crispe pas j’avance au vent
le hâle me va le pas peut bien un peu craquer
l’étrange est que je vive au milieu mais à côté
écrivant l’être j’espère ne pas trop déranger
j’écrivis avant l’aube tassée
des pans de vie qui murmures presque
enfuis m’emmenèrent jusqu’aux rives
où certain flot de mots froissés de noir
s’écoula dans la lumière du jour
Très fier, le soleil, ce matin du 21; je pense à ces grottes néolithiques visitées en Irlande(Newgrange); on allait jusqu’au bout, jusqu’au fond, il y avait là une manière d’arrondi qui avait été taillé par les hommes du temps (comme une chapelle) et c’était ici que les hommes se rassemblaient, tout au fond, pour attendre la survenue du rayon du soleil le 21 décembre; sinon les autres jours de l’année le soleil ne pénétrait pas droit dedans, voire pas du tout et on m’avait affirmé que des Irlandais pratiquaient toujours ce rituel du 21 décembre, en hommage aux êtres humains qui l’avaient inventé. Le retour de la lumière se célébrait ainsi, dans une grotte “meurtrie par l’ombre” (aurait dit Borgès), un seul jour dans l’année la grotte s’illuminait dès le lever, ce devait être une grande joie. Et puis un jour, par hasard, j’ai appris que ce 21 décembre était un jour de sacrifice; on sacrifiait à la lumière; rituel des hommes pour les hommes, pour se concilier la lumière, le soleil et la joie de vivre. Des actes abominables s’y commettaient, sacrifices humains, trop humains.
Il ne s’agit pas d’avoir le regret de ces cérémonies criminelles(pudiquement nommées: sacrifices), mais de constater que la grotte de Newgrange est une forme primitive de l’église telle que nous l’avons connue depuis des milliers d’années; et voici qu’elle se vident sous nos yeux. Au fait, que se passait-il? On ne sacrifiait plus rituellement, le Christ avait remplacé ces actes abominables à nos yeux et c’est pourquoi on a eu durant deux mille ans un supplicié comme superstition émouvante. Il faut croire pourtant que Jésus n’y a pas suffit puisque nous avons continué ces rituels barbares à travers ce que nous avons appelé les guerres: elles n’ont jamais cessé.
Je me demande ce qui va remplacer ce modeste moyen (l’église positive, les guerres négatives) d’apaiser notre agressivité masculine naturelle. Peut-être les femmes; elles s’y emploient en tout cas. Tout ça pour le Chromosome Y ! Si la guerre se démode relativement, “Y” demeure. Que faire de cette lettre qui cogne à la porte des hommes de manière insistante?
Freud qui avait parfaitement analysé le “Malaise”, propose la sublimation; il s’agit de créer pour remplacer ce crime qui rôde du côté des hommes. La création contre le crime, c’est bien, mais ça ne semble pas suffisant.
C’est ce qui explique la ruée sur les fictions criminelles. Cette étrange invention qui remonte à Edgar Poe (c’était hier!) – peut-être “L’auberge rouge” de Balzac – ouvre au chromosome Y un champ très vaste, infini, de rêveries criminelles qui apaisent nos psychés. Les séries TV, les romans noirs si bien nommés(Marcel Duhamel), voilà qui pourrait bien mettre un peu de paix féminine dans nos esprits gravement atteints par le manque de substituts criminels.
Je crains que ce ne soit pas suffisant. Et si l’on inventait un vaccin? Un ARN messager (des dieux) qui prémunirait contre la pulsion criminelle… Qui sait?
(merci à Christiane pour cet envoi)
C’est un créateur hors norme dont les œuvres, sculptures ou toiles géantes choquent, dérangent. Je l’avais découvert en 2007 au Grand Palais, à Paris. Tout cet espace immense pour lui. : Monumenta ! Des amas de béton partout, des barbelés enchevêtrés ,une atmosphère de désolation. Des tentes disséminées où découvrir son œuvre. Partout des phrases extraites des poèmes de Paul Celan.
Toiles emplies de paysages brulés formant murs de matière, impénétrables. Neige ensanglantée. Terre sillonnée et désolée. C’est une matière brute, violente, primitive. Strates recouvrant des strates.Avions détruits en plomb. Livres en verre brisé. Tournesols calcinés. Cendres et paille. La terre allemande en souffrance, ravagée par la guerre. Kiefer met en scène la catastrophe , lamutilation par le génocide. Mémoire du nazisme. Effondrement des valeurs humaines.
La série « Magarete et Sulamite » m’a bouleversée. Cheveux et cendres pour l’une, paille dorée pour l’autre.
Quelques vers de Celan (Pavot et mémoire):
« Un rien
Nous étions, nous sommes, nous resterons en fleur
La rose de rien
de personne. »
Puis le ciel etoilé « Sternenfall / La chute des étoiles » (entre chute et lumière). Ciel de plomb qui écrase l’espérance.
Comme l’écrit votre cher poète, Hölderlin : « Ce qui demeure, les poètes le fondent. »
Todesfuge / Fugue de mort.
La pensée juive comme un antidote contre cette catastrophe de l’Histoire du XXe siècle. Absurdité des guerres, des massacres.
Deux hommes qui travaillent la matière de mémoire, l’un avec des mots, l’autre avec de la glaise sombre.
Et pour Kiefer, comment être un artiste allemand après l’exploitation de l’art par le national-socialisme ?
Question que vous avez subtilement posée dans votre recueil bilingue avec Helmut Schulze « Le Chemin / Der Weg » même s’il s’agissait de la guerre de 14/18..
Cette question traverse le travail de Kiefer.
Cette nouvelle exposition au Grand Palais, annoncée par Paul Edel, illustrée par JJJ, semble esquisser un désir d’ascension spirituelle. Le songe de Jacob ? L’art peut-il prendre son envol ?
Une œuvre qui interroge la souffrance d’un passé proche et lointain.
Comme l’écrit Margotte, « c’est glaçant ». Un artiste qui m’entraîne dans un labyrinthe. Est-il Dédale, Thésée ou le minotaure ?
valide j’allais vers les troncs amis
l’aventure de vivre coulait joyeuse
malice et rires sous les pas
décembre usé renonçant à me suivre
je tournai le dos à ses soirées maussades
appelai de tous mes voeux l’an neuf
cueillis du gui escaladant le saule aux graves appuis
et l’enfance revenant au creux des biceps
je ris de glisser sur l’écorce du sapin proche
je me dis que l’amidon des décennies
n’avait pas trop déçu mon compagnon fidèle
le rêve ce rêve d’aller loin toujours plus loin
tuiles arêtes vertiges et folies des ardoises
il me sembla que rien contre ma poigne
ne s’opposait à mon envie de survoler les cimes
lâchant la branche au dernier moment
alors que mes pieds touchaient la terre
je vis s’éclipser dans un sifflement amusé
du rameau les mille hardiesses que je formais
la lune vite arrivée furieuse présence
s’empara de l’horizon en un seul surgissement
je sentis monter dans sa ronde cruelle
le chant fourbu que j’étais devenu
lunaisons infinies des jours des nuits
j’étais fou d’espérer une souple existence
le gel des os est la loi des ans
et c’est désormais le glacé du mois
qui demeure mon seul temps
cabane
je vois la cabane qui tremblote
ses fondations se fendent dans le silence
glacé du lac où virevoltent encore
les chants lointains de juin et les souffles d’octobre
je serrerai mon écharpe aux bourrasques de mars
bien sûr mais tout l’hiver désarmé
à cru la musique va s’éteindre sans source
elle va se cacher des azurs lourds d’averses
me voilà hérisson recroquevillé chantant
sous les feuilles l’hymne que l’on connaît
le chant préserve du feu du froid
et de la lente et longue peine aussi
mes lèvres s’essaient en divines voyelles
aux rives du lac désormais déchiré
zébrures anarchiques où j’attends
que les vents aient dévoré semaines et mois
un jour le ciel admettra que c’est trop
le tiède fera loi caressant les feuilles mortes
je m’exhumerai alors de ma cabane
me surprendrai à imiter le retour des oiseaux
j’en profiterai pour cimenter mes appuis
c’est ainsi qu’on sifflote en avril
soucieux de protéger les ans des cataclysmes
et des froidures crevants du présent blanc
alors le chant seul avec le monde
redira le chemin chaud qui mène au lac
où les voiles vibrent sous la brise tranquille
gracieux friselis des buissons nus
des disputes se content sous la brise
et je m’imagine un sens au dépouillement
des branches brindilles et rameaux
qui dans leur obscénité non voulue
s’ébrouent dans l’air réfrigéré
il est question du solstice sévère
où j’entends craquer l’axe terrestre
on me dit que je rêve et c’est possible
je crois plutôt à la venue du neuf
l’an parle pour me forcer la main
je dois écrire dit-il écrire écrire
je n’écoute plus les voix humaines
elles gèlent vite et s’émiettent
laisse ton chant libre viser le vent
et ta gorge s’échauffer de joie
aux échanges des amours contre l’an
je te donne tu me donnes crois-le
et la main et le baiser fluide
apaisent les aspérités graves
qui procèdent au fil de notre glace saison
fables de hasard contes sans logique
rages déjà mordues du présent
coiffant la froidure
qui fond sous la chaleur du corps dansant
léger mais fier