le papillon qu’elle m’a envoyé
s’est posé
je l’ai vu venir de loin
il a longtemps hésité
il a bifurqué
j’ai cru un moment
qu’il ne m’était pas destiné
son de-ci de-là
me laissa indécis
puis soudain il s’est abattu sur ma main
je ne pouvais plus bouger
un souffle l’eût chassé
je ne respirai plus que par la gorge
et j’arrêtai d’écrire évidemment
j’eus le temps de voir ses yeux cernés
au bout des ailes
ils disaient la fatigue
je le priai de me dire
ce qui l’amenait
il répondit de ses ailes agitées qu’il avait un message
à regret murmura-t-il à regret
je dois te dire qu’elle ne t’aime plus
les fleurs sont toujours sa passion
mais elle est amoureuse du jardinier
qui est beau grand et sportif
je remerciai le papillon
il s’envola
me restèrent trois grains de poudre sur la main
un souffle suffit
Dérision burlesque de cette fable qui sonne comme une comptine enfantine. Voilà bien un papillon peu frivole en habit de croque-mort.
Préférez, ô poète, les papillons muets qui dansent de fleur en fleur dans le bel été portant la joie.
ah ça vient comme ça !!
Oui c’est un conte un peu amer sur la fragilité des amours d’ici bas, notre époque est exemplaire de cet effondrement, ça papillonne drôlement. La joie y est cependant, du moins moi l’écrivant.
Le souffle vient directement de mes préoccupations autour de Goethe et de son “Au dessus des sommets”…
En particulier son
“A peine un souffle”.
Ah, Goethe…
Pourquoi “A peine un souffle” ?
C’est … tremblé votre alphabet…
Une erreur !
Sur toutes les cimes,
Plus rien ne bouge,
Au sommet des arbres,
Tu perçois à peine
Un souffle d’air (vers 5).
Dans la forêt les oiseaux se sont tus.
Attends, bientôt,
Tu reposeras à ton tour. (trad. JP Lefebvre)
Mais oui. Tu reposeras at ton tour. On en parlait il y a peu. C’est tellement beau Raymond.
Mais oui c’est magnifique bien sûr vous avez raison d’insister.
Tout tourne comme dans une roue.
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Le_Voyageur_contemplant_une_mer_de_nuages
Comme dans le tableau de Caspar Friedrich.
Connaissez-vous, cher Raymond, vous qui aimez tant les papillons (même tristes) ce beau recueil en prose de Joe Bousquet “Papillon de neige”(Verdier) ?
Page 105 :
“J’écris, je suis à la recherche d’un mouvement poetique où respire et s’impose la vérité que j’entrevois. D’où vient que je ne peux ouvrir un livre sans y trouver une page qui donne à mon pressentiment une chance supplémentaire d’éclore.
J’ai baptisé cet afflux l’être en liberté ! Ce que le ciel vient éclairer entre nos mains, ce reflet qui, dans le sable creusé, est comme un grand papillon de neige sur les mains des enfants .
Tout ce que je regarde soudain est fauché d’un coup d’aile. Le papillon de nuit de pose sur les choses laissant dans mes regards des ailes d’air pur.”
une fois de plus vos lectures m’étonnent… leur quantité variée me stupéfie.
Joe Bousquet je le connais de nom je connais l’épouvantable épreuve qui lui fut imposée et j’ai bien dû lire de belles choses de lui puisque je me souviens de son nom. Mais là, le papillon, je trouve votre mention presque nécessaire “des ailes d’air pur” . Je ne sais pourquoi comme lui je suis visité par un sentiment de pureté qui me semble inhérent à l’écriture.
C’est en cela que Gracq me désole il trouve que les brouillons toute la littérature accessoire (mais où est-ce donc?) lui donne un sentiment de dégoût, il dit “peu ragoûtant”…à propos de ses propres brouillons.
Il se trouve que ce sont ces dérapages qui m’intéressent. Comment l’écriture naît. Je trouve vos remarques d’une fidèle pertinence. Continuons !
Oui cher Raymond, continuons à attraper les mots dans nos filets à papillons.
Lettres à Poisson d’or, de lui, est un enchantement. Bon crépuscule dans votre jardin, à l’heure où le soleil fatigué de tant d’ardeur va céder la place à une brise fraîche. Alors vous arroserez vos fleurs car le jardinier, c’est vous !
Oui, drame pour Joe Bousquet de cette blessure de guerre qui le privé de l’usage de la
Moitié de son corps. Cloué au lit, il se libère par le songe, l’écriture, la correspondance. Il entre dans un monde imaginaire, celui du “meneur de lune”. Immobile dans son lit, il vole comme un papillon.
Raymond, vous écrivez : “une fois de plus vos lectures m’étonnent… leur quantité variée me stupéfie.”
C’est un leurre. Pour entrer dans l’univers de mes amis, j’explore leur bibliothèque. J’essaie de comprendre la couleur de leur vie, ce qui est important pour eux. Je compartimente afin de dialoguer pleinement avec chacun d’entre eux.
Et puis, il y a mes livres, mon socle, qui parfois est semblable partiellement aux leurs mais aussi très différent.
J’ai construit mon réel par la littérature et l’art.
Je suis capable de vivre en société, d’y travailler, d’avoir des rapports ouverts avec mes voisins, les commerçants mais quand je suis chez moi, surtout maintenant que les enfants et petits-enfants sont ailleurs, dans leur vie d’adulte et que j’ai fermé la porte de l’école, je vis dans une parfaite liberté intérieure faisant de mon temps quelque chose d’élastique, donnant aux jours et à la nuit des espaces de sortilège.
J’ai aimé intensément des êtres hors des miens. Mais si ce sont de beaux souvenirs, j’aime la paix des dénouements. Je n’ai plus la tête à situations où la possessivité et la jalousie gâchent tout. Dans mon kaléidoscope j’ai tous les baisers et les caresses dont j’aime me souvenir mais c’est maintenant un temps minéral de pensée, de méditations, de soi à soi, très égoïstement. Je ne connais le jour où la nuit se fera et j’ai tant de questions sans réponse.
Bien à vous , cher Raymond pour partager vos lectures.
PS : L’autre jour, il y a peu, j’étais en dialogue avec vous et avec Soleil vert en même temps. Cela me demandait beaucoup d’agilité pour poursuivre toutes ces paroles et je voulais pas mettre en pause un de vous d’eux. Alors je me dédoublais.
La science-fiction ? je vis dedans depuis mon enfance. Les temps pluriels, les retours dans le passé, les méditations avec ce monde interstellaire. Tout cela est très borgésien ! inséparable, cet univers d’une contemplation du temps. L’incertitude de Dieu fait aussi des heures lentes…
Un labyrinthe que j’aime car j’en connais les sorties aériennes : les ailes du rêve. Je n’ai pas terminé mes métamorphoses…
D’autant que vous avez mentionné une fois la part importante que prenait parfois la méditation avec une religieuse de votre connaissance.
En réalité, c’est le cas de le dire, ce que nous faisons réellement, vous comme moi et bien d’autres, c’est vivre dans l’imaginaire pour y trouver des échos qui nous concernent, éclairent, enchantent. Nous sommes des orpailleurs de la pensée. Mais vous avez des pépites dans votre mémoire ainsi ce livre de Joe Bousquet.
Je n’avais pas vingt ans je venais d’arriver à Toulouse et croisant un passionné de littérature (il était aussi cambrioleur!) j’ai entendu pour la première fois le nom de Joe Bousquet. C’est cela qui m’est revenu lorsque vous m’en avez parlé. je revois parfaitement son visage, sa manière empressée de me glisser dans la rue des livres dont je manquais tant (Beckett, Salinger, Miller, Grass), sans doute des livres volés à l’époque introuvables pour les désargentés que nous étions tous. Nous nous asseyions contre le mur de la rue du Taur et il déballait ses merveilles. A part voler il lisait tout le temps. Ainsi le petit gars de “rethelardennes” a-t-il commencé à dévorer les grands auteurs de toutes les langues. Je me souviens parfaitement l’avoir vu avec le poisson d’or de Bousquet et avec Genet évidemment dont il ne voulait pas se séparer.
Là je viens de le commander, à cause du souvenir et de votre précieuse mention.
On dit que je suis un penseur du passé (“tu devrais arrêter d’écrire pour l’élite”, me conseille gentiment l’éditeur), mais voyez comme je suis oublieux. Joe Bousquet fut un des premiers modernes dont je fis mes ruminations, et je ne l’ai jamais lu, seulement par ouï dire donc !!
Ces livres de Joe Bousquet sont un beau souvenir de lecture. Tout un pan de mon passé.
La religieuse… Je l’aimais beaucoup. Ses sœurs l’ont mise en terre, il y a peu. Son sourire m’accompagne. Oui, quelques amis religieux font un professeur de théologie qui avait peur du diable et que je faisais rire par mon impertinence. Mais la plus belle rencontre se fit ay la Sainte Baume, en Provence. Une nuit ay parler sous les étoiles et dix années de correspondance. Ces êtres me passionnaient par leur constance, leur fidélité, leur imaginaire. J’étais bien avec ces amis car ils me laissaient être moi-même très méfiante vis à vis des rites religieux mais avide de trouver un chemin vers le sacré.
Ce que vous dîtes de cette rencontre est très beau. La transmission…
J’aime beaucoup que cet ami cambrioleur lisait Joe Bousquet.
Votre éditeur vous donne de drôles de conseils….
Il faut pardonner à mon éditeur qui est un très honnête homme et voudrait bien me publier mais il ne vendrait pas et ce n’est pas un conseil à lui donner d’imprimer mes textes.
Je vous parle de cet ami cambrioleur parce que finalement à 19 ans venant de rethelardennes, je pensais qu’il était normal ou presque de voler pour survivre; j e n’avais en effet aucune expérience du monde, du social, et cet ami qui me passait certains livres inaccessibles financièrement me paraissait effectuer un métier presque naturel.
Je me souviens de conversations héroïques (Joe Bousquet était par lui souvent mentionné)sur la place du capitole; parfois une connaissance nous offrait un coup à boire, mais il n’y avait que la littérature qui rôdait dans la ville rose ; la littérature emplissait mes égarements de citadin passé brutalement d’une petite ville du nord à une grande ville du sud. C’est Rimbaud qui jouait le montreur de marionnettes obligatoire.
Ah vous avez bien du talent pour évoquer vos conversations dans la ville rose où ma petite-fille vit depuis quelques mois. Elle est ravie. Son compagnon et ses deux chats aussi.
dont
A l’époque Toulouse ressemblait à la terre telle que nous la vivons présentement. Surchargée d’habitants, c’était une ville chinoise où les embouteillages étaient le mode normal de circulation. Pas de métro, des bus hoquetants et un grouillement constant de vapeurs diverses. “Ville ouverte” (les interdits de séjour y avaient droit de cité) on circulait à travers cette babel surchauffée en passant d’un ‘clandé’ à un autre (salles de jeux) .
Si bien que mon voleur était à sa place alors que j’étais l’Archange Gabriel au milieu des soudards. Le bleu brouillard était la couleur normale sauf aux jours de grève. La ville rose parodiait Paris la rouge. Le “cong” ponctuait une langue incompréhensible au septentrional, avec cette application émouvante à prononcer toutes les lettres de notre langue. Les élisions étaient lettres mortes.
J’en ai un souvenir d’épuisement constant. Un pays beaucoup plus étranger que l’Allemagne.
J’imagine que Toulouse est revenue à la raison parisienne franco française. Les “r” roulés se sont perdus sous les roues du métro (pour moi tout neuf) !! La télé a tout régulé et la France s’étend bien désormais jusqu’aux Pyrénées. Aliénor, où es tu? Quelle histoire !
Je vous parle d’un temps d’une France chaotique et vieille comme la poussière.
Vous devriez montrer cela à votre éditeur. C’est très très agréable à lire et pas ordinaire.
Vos récits sentent le cuir de vos souliers de voyage comme le désirait Flaubert .!
merci pour Flaubert !
Mon éditeur s’est fourvoyé avec moi. La littérature, ce n’est de la faute de personne, est une terre devenue inconnue, elle a glissé dans le Goncourt ou les maniaqueries. Plus rien de grand ne se fait vraiment, on est au bord de la distraction untertainment.
Je continue pour le plaisir; Borgès: “J’écris pour moi, pour mes amis, et pour adoucir le cours du temps”. Je ne me plains nullement. C’est ainsi. Et puis il y a tant de livres. Ils sont si éphémères.
Mais vous parlez de tout cela mieux que moi.
Bises.
Oui, le monde de l’édition cherche aussi et peut-être surtout à vendre. Dommage.
Mais internet est devenu une terre de découverte.
https://youtu.be/1-f6BEXflJ4
Aragon / Brassens
C’est comme si en écrivant vous vous racontez ce que vous accomplissez. Comme marcher dans son rêve. L’obliger à serrer son bonheur . Le rêve serait alors plus grand que le réel comme un corps lourd et pataud, fatigué quand il sort de l’eau des rêves où accomplissait avec grâce et force tous ses désirs. Il imite le réel , le prend pour un pressentiment.
Comme dans ce magnifique poème d’Aragon si gravement chanté par Brassens .
Se désister devant ses rêves… Joe Bousquet en a fait une matière réelle puisque lui ne pouvait pas les concrétiser. Il disparaît, se dilué dans son écriture. Son corps était devenu le corps de la parole . En elle il était si léger…
Vous avez raison pour tout. Le corps, ce balourd dont Kleist se moque dans son “théâtre de marionnettes” (que j’ai traduit dans ce blog, 10 petites pages qui valent de l’or), est d’une maladresse insigne; Kleist prend soin de préciser que le corps est d’autant plus malhabile qu’il y mêle la conscience. L’instinct animal est ici supérieur. Ce sont des considérations rares.
Ici les rêves l’emportent bien sûr. Qui n’a rêvé qu’il volait. La parole est si légère primesautière et vite envolée.
C’est pourquoi la chanson poème de Brassens a cette glaise qui emprunte à l’alexandrin son rythme pesant, c’est tout le contraire. On dirait qu’il fonde rétrospectivement la musique qui sous tend tous les textes classiques.
Il est curieux que notre temps qui se veut rapide dans l’exécution (jusqu’à l’invention récente du stress)soit finalement si pataud dans le ton général de ses expressions. La publicité, les chansons dites rock, la politique, la pensée dite post moderne, tout cela est si peu léger; tout cela est répétitif, plutôt glauque, mal embarqué dans les perspectives à long terme, c’est un tourbillon préfabriqué sans invention réelle.
on s’aperçoit alors que les auteurs qu’on aime sont ceux qui nous allègent de joie, même si leur ton est parfois dépressif, au moins ils essaient quelque chose: Quignard, Deleuze, De Staël etc…
Je viens de lire votre traduction de “Sur le théâtre de marionnettes” d’Heinrich von Kleist”.
Elle est beaucoup plus fluide que la mienne de Brice Germain (éditions Sillage).
Est-ce pour cela que j’ai enfin compris où l’auteur voulait nous mener ?
Il est vrai que lorsqu’on regarde les enfants jouer dans un jardin, ils ont une grâce inexplicable. Peut-être effectivement que la conscience d’être vu, regardé, soupesé rend nos gestes moins fluides. Quelle histoire !
Ce que j’essayais d’écrire ci-dessus était légèrement différent. C’est de projeter par l’imaginaire des scènes où nous évoluons, agissons de manière parfaite voire périlleuse et d’être incapables d’assurer leur réalisation dans le réel qui est une copie souvent grotesque de nos rêves.
Dans un domaine imaginaire, tout est possible y compris ce dont nous avons toujours rêvé. Il faut, selon Joe Bousquet être dans l’incapacité matérielle de les réaliser pour que la création prenne tout le réel, devienne le réel.
J’avais trouvé cela compréhensible pour lui qui était cloué dans son lit mais injustement cruel et sévère pour nos vies mobiles et nos corps patauds. La tendresse et la bienveillance de soi envers soi, de soi envers l’autre doit inverser cette cruelle objectivité. Je préfère des êtres imparfaits mais vivants à des robots pourvus de grâce où à cet ours qui tire la justesse de ses réponses aux coups du bretteur que par l’instinct.
Seulement nous entrons dans le monde complexe de l’amour où l’on voudrait être grand et parfait, digne d’admiration, de prouesses pour l’autre. L’humilité de l’âge réduisant ces possibles ouvre l’espace à la tendresse, à l’affection, à l’attention pour l’autre. Prendre garde qu’il ne prenne pas froid, nouer autour de son cou une écharpe… Des petits signes qui sont le miel de la vie.
Nadeau a écrit une préface superbe à ce livre de Joe Bousquet : “Papillon de neige”. En voici un extrait :
“Ne vous représentez l’homme qu’associé à la planète dont le mouvement est enveloppé dans le carrousel céleste.”, écrit-il à Hans Bellmer. Pour lui, nos viscères eux-mêmes, leurs fonctions, obéissent à cette gravitation qui commande le mouvement des astres, la ronde des jours et des nuits. Grains de poussière nous sommes, mais poussière consciente, dans un cosmos qui, lui, n’est ni temps ni espace, ou qui est tous les temps, tous les espaces .”
Pardon d’avoir délaissé votre blog, Raymond.
Je passe commande de votre ouvrage sur Brassens
Cdlt
SV
Merci soleil vert, je vous envoie mes plus sincères sentiments d’admiration pour vos travaux et je vous remercie de commander mon livre sur Brassens. Bien à vous. Bonne continuation. Raymond Prunier.
Vous savez, Raymond, le roman qui m’a le plus marqué d’Heinrich von Kleist est Michael Kohlhaas.
Je ne savais comment gérer sa violence après que les autorités l’aient abandonné. Le retournement final est imprévu puisque, avalant le papier qui aurait pu le sauver, il entre tête haute dans la mort mais cet affreux propriétaire qui l’avait berné, supplicié ses beaux chevaux, sera lui aussi désavoué.
Un drôle de révolté qui fait bouger les lignes.
Puis il y a eu le Prince de Hombourg. J’écoutais mon 33 tours en boucle avec la déchirante tirade de la mort interprétée par Gérard Philipe qui l’avait joué à Avignon. J’ai su qu’il avait été revêtu de ce costume dans son cercueil.
Kleist est mort jeune. Pourquoi Goethe l’a-t-il désavoué ?
“J’ai su qu’il avait été revêtu de ce costume dans son cercueil.”
ou de celui de Rodrigue ?
BAV
SV
Mais oui ! Celui de Rodrigue. Mais j’ai aimé ce personnage du Prince de Hombourg, passionnément
La mise en scène était de Jean Vilar, avec la troupe du Théâtre national populaire lors du Festival d’Avignon de 1951 .
Gérard Philipe dans le rôle du prince, Jeanne Moreau , Jean Vilar….
Il vit comme un dormeur éveillé, mêle ses rêves au réel.
J’écoutais la grande scène déchirante où il se prépare à mourir. La voix de Gérard Philipe était juste parfaite. Sur la couverture de mon coffret disque il portait ce si beau costume.
Ce que j’aimais dans cette scène, c’est qu’il est d’abord terrorisé, prêt à tout pour éviter la mort, il s’effondre, pleure, supplie… ( tout sauf un heros) puis, il se redresse et finit par la demander lui-même…
C’est u. Très beau personnage bien plus intéressant que le Cid.
C’était un très beau coffret contenant deux disques 33t avec des extraits du repertoire du TNP/ Ruy Blas / Lorenzaccio / Le prince de hombourg / Les caprices de marianne / On ne badine pas avec l’amour…
Pour la voix de femme je ne suis pas certaine. Peut-être Geneviève Page…
C’était des vinyles. Ah les belles années…
Ce qui est beau c’est qu’il ne sait pas qu’il ne va pas mourir.
Merveille ! Je viens de trouver cette émission de 53 mn où l’on peut entendre deux extraits de cette scène dite de la lâcheté où Gérard Philipe est si juste. On entend jean Vilar évoquer le théâtre de Kleist, Barthes parler du costume du prince de Hombourg, Jeanne Moreau évoquer son partenaire. J’y ai même ma réponse pour Goethe. Bref, une pépite !
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/fictions-theatre-et-cie/actes-de-la-memoire-le-prince-de-hombourg-3538828
Vous êtes épatants tous les deux. Grâce à vous retrouvant cette émission, je m’entends écouter mon vinyle, m’interrogent sur cette scène terrible où il accepte de perdre tout courage pour échapper à la mort qui le terrifie. Le temps ne passe pas. L’émotion est la même. Juste, la roue du temps a tourné.
Donc Raymond, vous évoquiez “Sur le théâtre de marionnettes” et Soleil vert le costume de Rodrigue.
Me voilà quelques années plus tard à Ramatuelle.
Quelle fascinante beauté que la vie même si nous sommes trois grains de poussière…
Vous écrivez : “En réalité, c’est le cas de le dire, ce que nous faisons réellement, vous comme moi et bien d’autres, c’est vivre dans l’imaginaire pour y trouver des échos qui nous concernent, éclairent, enchantent.”
A la fin de ce livre immense : “Le livre de l’intranquillité” (Fernando Pessoa / Bernardo Soares), traduit du portugais par Françoise Laye, sont regroupés quelques “grands textes”, dont celui “De l’art de bien rêver”.
page 496 – Christian Bourgois éditeur –
“Vis ta vie. Ne sois pas vécu par elle.
Dans la vérité et dans l’erreur, dans le plaisir et dans l’ennui, sois ton être véritable. Tu n’y parviendras qu’en rêvant, parce que ta vie réelle, ta vie humaine, c’est celle qui, loin de t’appartenir, appartient aux autres. Tu remplaceras donc la vie par le rêve, et ne te soucieras que de rêver à la perfection. Dans aucun des actes de la vie réelle, depuis l’acte de naître jusqu’à celui de mourir, tu n’agis vraiment : tu es agi ; tu ne vis pas : tu es seulement vécu.
Deviens aux yeux des autres ce sphinx absurde. enferme-toi, mais sans claquer la porte, dans ta tour d’ivoire. et cette tour d’ivoire, c’est toi-même.
Et si l’on vient te dire que tout cela est faux, est absurde, n’en crois rien. Mais ne crois pas non plus ce que je te dis, car on ne doit croire à rien.”
Bon, c’est un peu radical…
Gardez du temps pour être grand-père et continuez à cuisiner vos cuisses de poulet pour vos gourmands petits-enfants. a moins qu’ils tournent vegan, ce qui est arrivé à ma grande petite-fille, rendant la préparation d’un repas bien compliquée, quand elle déserte Marseille pour quelques jours en famille.
Bon dimanche.
PS : un papillon s’est posé sur les fleurs du balcon. Il volète, se pose, s’envole ! Une vie de papillon….
Je salue encore une fois votre art de trouver la bonne citation; ce pessoa là vaut de l’or! Une merveille du genre qui me va tout à fait !
Dans un brouillon de texte à venir j’ai écrit: “Nos pensées sont toujours en partance, jamais elles ne s’assoient”.
D’où l’idée de souterrain individuel si particulier qu’il est incompréhensible et doit passer par le tamis de l’écriture pour avoir quelque chance d’être compris par soi-même et les autres. Je patauge là dedans depuis des jours.
Mais Pessoa ici débloque complétement le processus. Merci.
Merci Raymond.