coulé obsédant des tourterelles
je l’écoute yeux mi-clos
je songe que les anges soufflent la même syncope
le chant ne rit ni ne pleure
medium ourlé flottant dans les ombres
c’est le ton du temps tiède
qui n’a de cesse jamais
le vent se glisse alors sous la reprise uniforme
qui scande en secret les secondes présentes
“coulé obsédant des tourterelles /je l’écoute yeux mi-clos / je songe”
A l’écoute de vos tourterelles deux pigeons se mettent à roucouler sur l’arbre proche.
C’est un peu normal. Entre chanteurs on s’influence. Surtout en période de pleine lune.
Magie !
C’est le chant répétitif qui (phil Glas) dit mieux le temps qui passe que l’avancée imitative dans le temps.
“c’est le ton du temps tiède / qui n’a de cesse jamais / le vent”
Vous êtes comme Flaubert captif du “vent mou” quand il menait ses personnages vers plus de langueur.
Que vous êtes drôle! J’aime bien les formes anciennes dont il use, le normand. “Un coeur simple” est un sacré tour de force.
Chic ! Nous sommes bien d’accord !
Et du bras gauche il lui entoura la taille. Elle marchait soutenue par son étreinte ; ils se ralentirent. Le vent était mou, les étoiles brillaient, l’énorme charretée de foin oscillait devant eux ; et les quatre chevaux, en traînant leurs pas, soulevaient de la poussière. Puis, sans commandement, ils tournèrent à droite. Il l’embrassa encore une fois. Elle disparut dans l’ombre.”
Félicité hante votre torpeur aux tourterelles.
Le plus beau conte de Flaubert “Un cœur simple”.
Votre remarque sur Philip Glass est vraiment intéressante. Il a créé une nouvelle écriture musicale, un nouveau langage, basés sur la répétition. Vous construisez votre oeuvre poétique aussi avec la répétition. Je commence à comprendre…
“qui n’a de cesse jamais /
le vent se glisse alors sous la reprise uniforme”
Philip Glass (né en 1937) a été l’élève de Nadia Boulanger au Conservatoire américain de Fontainebleau. Nadia Boulanger, quel prof ! Il fut aussi celui de Darius Milhaud .
Les créations de Cocteau l’ont beaucoup inspiré.
Comme ses opéras inspirés des films de Jean Cocteau “La Belle et la Bête” et “Orphée” ou de son roman “Les Enfants Terribles”.
Philip Glass est indépendant à l’égard du public et du monde de la musique : interprètes, critiques comme vous du monde bruyant des sirènes de la renommée (Cher Brassens…). Cette liberté vous permet d’expérimenter en toute liberté votre écriture, sans trop vous soucier de sa réception. Et c’est épatant !
Dans “Einstein on the beach” à Avignon, les spectateurs avaient été désarçonnés par les voix qui s’entremêlaient sans que l’on sache qui parlait.
Parfois vous lisant c’est un peu pareil. Je me suis habituée. J’écoute la musique de vos mots, le rythme comme le roucoulement répétitif des tourterelles.
Oui, l’obsession fait la mission que l’on se confie à soi-même. Je ne saurais mieux dire que vous. Ce sont des morceaux de poésie prose qui se recouvrent. Je crois beaucoup plus à la musique qu’au sens des mots.
Eh bien moi je crois au sens des mots et grâce à vous et votre idée de “répétition” je plonge dans l’essai de Kierkegaard font le titre dans une nouvelle édition et traduction a été transformé en “La Reprise”.Nelly Viallaneix pour G F Flammarion.
Elle écrit dans l’introduction : “La véritable reprise, la “reprise créatrice”, pour retrouver ce qui a été (le “même”) doit procéder d’une manière inédite (“autre”). “Re-nouveau” serait son nom le plus fidèle.”. (…) C’est le mouvement de l’intériorité…
Le livre est paru sous pseudonyme Constantin Constantius en 1843.
dont
https://podcasts.apple.com/fr/podcast/philip-glass-r%C3%A9p%C3%A9tez-sil-vous-pla%C3%AEt-4-4-musique-r%C3%A9p%C3%A9titive/id390165399?i=1000555807759
J’ai trouvé cette émission qui devrait vous réjouir.
Bonne soirée
Oui, oui ce n’est pas toujours aussi bien; mais parler de Phil Glass c’est dire notre temps.
Encore une idée. Le Danois Søren Kierkegaard a consacré un ouvrage à ce qui revient après être advenu une première fois : “La Répétition”. Il insiste sur la dimension créative de ce que nous revivons après l’avoir déjà expérimenté. (Kierkegaard, qui a rompu avec sa fiancée Regine Olsen, rêve de retrouver, ce bonheur. C’est le thème de ce livre).
Mais là c’est un autre concept.
J’ai vu ce livre me disant “un jour ce kierkegaard tu le liras”, ce que je vais faire.
Jankelevitch a aussi traité de ce problème, je crois que c’est justement à propos du printemps. Il n’est pas de première fois (dit-il), il y est question de printemps primultime, mais j’ai oublié. Jankelevitch est un prodigieux inventeur de mots.
Merci de me rappeler que les tourterelles chantent toujours leur première fois. Après ce ne sont plus que des premières fois qui se répètent !! NOus n’arrivons pas à nous résoudre à ce qu’à part notre naissance il n’y ai pas de première fois; et pourtant: premier amour, premier sourire; c’est toujours l’amour qui est en jeu. Il est vrai que contrairement à ce que dit Ian Fleming on ne meurt pas deux fois.
Joli !
Vous pouvez le lire détendu. C’est une confidence. Il va à Berlin dans l’espoir de retrouver son ancienne fiancée Régine Olsen pas pour une reproduction de cet ancien échec mais
pour trouver à revivre sans reproduire.
Un passage page 91 qui devrait vous plaire. Il arrive à Berlin, cherche une chambre :
“Minuit passé : on éteint les lumières, on allume une petite veilleuse. Le clair de lune triomphe, sans mélange. Une ombre paraît encore plus noire, un bruit de pas met plus de temps à s’évanouir. la voûte du ciel, sans nuage, paraît doucement mélancolique, emplie de rêveuses pensées, comme si la fin du monde était consommée et le ciel inaltérablement occupé de lui-même.”
La deuxième partie du livre de Kierkegaard est plus philosophique. Elle a pour titre “La reprise”. Et elle est consacrée à Job qui “incarne le “chevalier” de la reprise véritable, pour avoir maintenu sa confiance en Dieu au plus fort de l'”épreuve”. et reçu tout ce qui semblait perdu, “tout au double”.
Une reprise serait donc possible si “l’individu change dans son être intérieur”. C’est donc la véritable “reprise créatrice”.
La première partie est une manière oblique de s’adresser à Régine en écrivain. par l’intermédiaire de deux personnages imaginaires. Dialogue entre ces deux hommes, le jeune, amoureux et l’autre “Constantin” raisonnable.
Quand le livre fut terminé, Kierkegaard apprit que Régine venait de se fiancer. Ce qui peut expliquer la conclusion du manuscrit : “Elle est mariée ; avec qui, je ne sais ; quand je le lus dans le journal, je reçus comme un coup et laissai tomber la feuille (…) Mais je suis de nouveau moi-même….”