dans sa bure romaine
aux plis que la gravitation appelle
elle évoque le futur
je voudrais la toucher
mais on ne peut pas
Sibylle si belle si loin
il faudrait l’échelle de sagesse
et je suis si petit dans l’histoire
la grâce échappera toujours
sa présence contre la façade est défi
elle dit
avec cette crudité qui prophétise et presque menace
mon ami
la grâce ne se touche jamais de la main
chaque nuit sans lune elle chante
sa partition main gauche
quand la cité dort que les bruits s’effacent
les paroles murmurent l’églogue de Virgile
sur le printemps le monde à venir
l’amour pur au jardin revenu
je lui chuchote bis comme au concert
mais personne n’applaudit dans la nuit de Picardie
cette figuration lointaine
qui s’avance dans la nuit étoilée
on ignore ce qu’il faudra attendre encore
pour ranimer le feu promis
il y a près de deux mille ans
par le poète latin
Les Temps sont révolus qu’a prédits la Sibylle : Les siècles, dans leur course immuable et tranquille, A leur point de départ sont enfin revenus, Et le dernier de tous, l’Age de fer, n’est plus. Déjà revient Saturne, et la Vierge immortelle Abandonnant les cieux reparaît parmi nous ; Et les dieux, des humains cessant d’être jaloux, Envoient sur notre Terre une race nouvelle. | |
Un Enfant doit bientôt au jour ouvrir les yeux ; Souris, chaste Lucine, à sa venue au monde : L’Age d’or va renaître et sur terre et sur l’onde ; Déjà règne Apollon, ton frère glorieux. VIRGILELes Bucoliques Eglogue IV Au Moyen-âge les gens étaient persuadés que Virgile annonçait dans cette Bucolique la naissance du Christ. Le trouble vient de ce que ce poème a été écrit au moment de la date supposée de la naissance de Jésus.Les Sibylles étaient par ailleurs des divinités affectées dans le monde latin à la divination (mancie). Celle de Laon imite le style romain, il se fait alors un lien émouvant entre l’antiquité et l’an 1200, ce qui relie cette statue du porche nord de la cathédrale à notre monde contemporain. Sa présence parfaite émeut profondément. “Le chant de la Sibylle” est par ailleurs l’une des premières partitions de l’histoire de la musique dite classique, sinon la première… | |