Ce texte se situe dans un chapitre intitulé “Le Principe Déserteur” pages 133-134 du livre de F.G. Maugarlone: “Présentation de la France à ses enfants”. L’ouvrage a été édité chez Grasset en septembre 2009.
Rimbaud n’a pas laissé une œuvre, mais une tentative. Si l’alchimie du verbe n’aboutit qu’à une carrière littéraire, autant renoncer. Il l’a dit, homme de lettres, cela ne l’intéresse pas, la main à la plume comme la main à la charrue, c’est la misère. Mépris, il est vrai, que tout écrivain honorable éprouve peu ou prou, et qui le pousse parfois jusqu’à l’Académie Française. Poète et explorateur, lit-on sur la maison natale de Charleville. Mention pertinente, comme on aurait pu écrire à Lille: Charles de Gaulle, soldat et poète, homme politique et mémorialiste. Pour Rimbaud, explorateur convient mieux que littérateur. Au-delà de la poésie il s’est consacré à l’étude des langues, il s’est lancé à la quête de la langue universelle. Il a cherché le verbe philosophal, ne s’étant pas résigné à ce que l’acte d’expression fasse retomber dans notre médiocre immanence ce qui tendait au-delà.
En définitive, la grandeur de Rimbaud, de saint Rimbaud, c’est de n’avoir cru qu’à l’enfer, d’avoir restreint notre faculté de croyance à cette certitude: l’enfer, c’est ici même. “Je me crois en enfer, donc j’y suis”, tel est le Cogito de Rimbaud. Il a admis qu’on n’est pas religieux contre la religion, et aussi bien que sans religion on est confronté au monde sans le blindage de l’illusion. Il ne s’arrête pas aux substituts, progressisme, socialisme, scientisme…
La suite qualifiée de “johannique”, elle aura été écrite sur les mêmes feuilles que le “livre païen” qui devait devenir Une saison en enfer – cet évangile noir, pour ne pas dire nègre comme lui-même. Texte impensable sans le christianisme, autant l’y annexer, indépendamment de la récupération claudelienne: le christianisme peut intégrer le combat contre le christianisme, étant la religion critique qui laisse le dogme à sa place. A son arrivée à Paris, il fut l’enfant prodige – terrible aussi – parmi les docteurs du Parnasse. A Jésus, Arthur fait une scène de ménage. Elle dure, une saison, non, ce sera une vie en enfer. Quand on pense qu’Aden signifie Eden… Il est affamé d’au-delà dès l’âge de la première communion, il se fait traiter de “sale petit bigot”, défendant héroïquement le bénitier contre une bande de garnements. “Intolérant, fanatique ” dit de lui Ernest Delahaye. Ame mystique désamarrée du christianisme, que nous dit-il? Que nous sommes cloués à des poteaux qui pourraient ne pas être la croix.