pouce
la grâce me manque
plus rien ne coule de source
et j’ai beau faire remonter
à ma mémoire
l’évidence globale de l’enfant
qui fut
je ne grappille qu’avec peine
le sourire du petit monde plein
où joies et peines avaient la teinte du temps arrêté
où les secondes semblables
dormaient en boule
contre l’oreiller des jours
des nuits
quelque part auprès d’une voix
qui creusait tout l’espace
je me souviens pourtant
du silence qui s’était installé
- baldaquin d’après-guerre –
certes les morts râlaient encore
mais mordait sur l’instant
une présence lourde
accoutrée de fadaises pratiques
un dieu un général
les fleurs exultaient libres
les chemins crevaient le ciel
il était une fois
et le temps s’arrêtait
et les croyances accumulaient les preuves
des averses de sens inondaient
ma psyché
je me souviens du pavement glorieux
où sonnaient sous le pas
les lignes du futur
et l’immédiat passé tragique
aidait au bonheur tout présent
où je suçai longtemps
mon pouce en rêvant