5
cette nuit qui procède vers nous
induit mille vertus d’étoiles
et nos visages c’est toutes les lunes
qui conspirent contre l’obscur
dans ce bal oublié des danseurs
inventons aujourd’hui le sourire de minuit
6
ce bol de porcelaine tout neuf
où mes paumes pâles se réchauffent
je sens mes mains qui s’animent de leur sang
je hume alors le fort du café noir
et l’aventure du jour m’emmène au château
où s’avance pas après pas le graal de Perceval
7
quand le matin s’éveille
qu’il cale ses voiles
sous le souffle du temps
mes mains tendues font
un rempart fragile contre
le soir qui faseye à l’horizon
Presque incertain mais toujours plus près. Un poème comme une éternelle ébauche. Parfum des choses proches. Lignes d’ombres et limpides de vos étranges paysages.
Quelle patience…
La lumière intérieure de lève. Délicate. Modeste. Liant le beau et le vrai.
Ce bol, celui du pèlerin immobile comme l’écrivait Philippe Jaccottet en regardant une toile de Giorgio Morandi. Un bol, presque blanc. Le vôtre en porcelaine comme un graal…
“inventons aujourd’hui le sourire de minuit”
Vous entrez dans le langage comme on entre dans la possibilité du temps.
Proche de Paul Ricœur dans son essai “Temps et Récit “.
Surtout dans le tome 2. Vos poèmes constituent une expérience fictive du temps.
Vous mêlez la lueur du passé à l’éclat du présent et vous lisant, je suis troublée car je ne suis ni dans votre passé ni dans votre présent. Vous êtes un vrai sablier !
Vous devez me trouver confuse ! Voilà que je reprends les Confessions d’Augustin, et surtout ses méditations prodigieuses sur le temps (qui est constitué pour lui par la capacité de l’âme à se souvenir du passé ).
Vous fonctionnez un peu comme ça, non ? dans vos oeuvres de fiction.
Sauf que vous ne racontez pas le passé vous le laissez picoter vos images avec des petits trous dans l’écriture. Vos fameux blancs et renvois à la ligne ! Gambades de chamois sur les roches abruptes de l’écriture…
Merci pour les chamois que j’adore. (Je n’en ai jamais vu, mais le mot, mais leur déséquilibre équilibré me ravit). Vous avez raison une fois de plus, j’y insiste, mes inventions verbales tournent tout le temps autour du temps.
Adrien Proust dit à Marcel: je ne comprends pas votre ami Bloch; il ne s’intéresse pas au temps qu’il fait. Mais il n’est rien de plus important.
Je suis de l’avis d’Adrien. d’autant que notre vie s’articule précisément sur deux temps: le temps qu’il fait, le temps qui passe. Il faudra revenir sur cette spécificité de la langue française: le double sens du Temps. C’est dû bien sûr au climat de la doulce France; c’est le “variable avec éclaircies” qui est notre vraie nature. L’imprégnation de ce “variable” explique la propension des Français à se gaver d’anxiolytiques: soleil ou pluie, lumière ou nuages, on n’est sûr de Rien.
On dit dépression quand il va pleuvoir, c’est fou.
Vous c’est par la fin que vous commencez pour sonder le passé enfui. Drôle de façon d’être un contemporain.
Soleil vert doit se régaler car vous êtes un vrai personnage de science-fiction vivant incognito dans les souterrains de Laon ou selon votre humeur, au milieu des papillons-estafettes !
Bon, je me fais enlever par fils et frère pour aller picoter dans un restau qui a une grande terrasse à lombre. Bon dimanche.
“mes mains tendues font
un rempart fragile contre
le soir qui faseye à l’horizon”
Oui, car mourir c’est perdre le présent.
Et ceci se passe chaque jour; avec une constance fatigante. Le jour s’éteint , alors qu’il était si beau.
Le matin est ma saison. le soir a des reflets qui me navrent; ils ont beau être superbes, leur orangé m’épuise.
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Faseyer
Merci pour la découverte de ce verbe que je ne connaissais pas.