matin d’hiver

enfoui dans le flot du trottoir
au chaud du loden
col relevé de phalanges gantées
il sifflote un chant mineur polonais
qui justement parce qu’il n’a rien de commun
avec l’effroi des boîtes motorisées
lui sonne au crâne comme un sourire
alors que c’est la mélancolie même
effets joyeux d’un pianiste lointain
qui aide à vivre au goudron d’hiver
ça module finement contre le temps de marbre
vie intérieure sans lien aucun
avec ces marcheurs du boulevard
qui s’arrachent à toutes jambes
– que fuient-ils donc –
je crois que c’est la lente évidence
de l’ombre qui nous salua
au premier jour nous quittera
au dernier et fait de nous des
solitaires embarqués
précis et brouillons
zébrés d’une fêlure glacée