Comme la lune, toute oeuvre a sa face cachée. Je crois en empruntant les souterrains que le mystère va être levé. On se dit qu’on va tout comprendre, que cette nuit marchée (manière de rêve prémonitoire) va nous éclairer sur l’histoire, la vie, la foi peut-être; après être passé par la nuit, le sens va me venir, car il n’est pas possible, pense l’enfant en moi, que tout cela (le monde) n’ait aucun sens.
On en ressort en effet moins ignorant du pourquoi et du comment, on est soulagé, la lumière du jour nous fait une aube renouvelée, seconde naissance bien sûr, on respire, on s’aperçoit qu’on s’est fait peur, que la vie est cet échange entre ombre et lumière, que l’avance de nos jours a quelque chose à voir avec cet obscur et tortueux chemin de nuit sans étoile.
On se souvient des signes aperçus, de la voix du guide en écho et de notre curiosité qui s’est peu à peu apaisée. C’était un voyage, nous avons eu raison d’emprunter cette nef de pierre, la vie c’est ça aussi, pas toujours ce que l’on dit dans la lumière du parvis mais ce que l’on murmure dans la nuit du secret, de l’intime, tout contre les festons de l’oreiller.
Dans les ombres des souterrains, on croise sa propre personne que l’on ramène comme Orphée ramène Eurydice en pleine lumière. C’est moi qui me suis extrait de la roche-mère. Sans les souterrains je n’aurais jamais éprouvé l’éclat fabuleux des boeufs qui folâtrent là-haut, de même que la nuit quand je dors je réarrange dans mes rêves la lumière complexe du jour passé, préparant le jour à venir.
Les souterrains c’est cela aussi, ce songe mensonge qui à la base devait tout expliquer et qui nous murmure seulement: le vrai mystère n’est pas là-haut ni en bas sous la terre. Le vrai mystère est caché en toi, le mystère c’est toi, le mystère est ta souterraine invention perpétuelle, c’est ton oeuvre, là où tu travailles dans le silence, le coeur battant.