les jacinthes des sous bois
alertent le regard de l’errant que je suis
elles miment les tapis
abandonnés dans les palais profonds
elles font un large choc
velours sous les pieds
je m’y allonge
on dirait du sang de cerf
de sanglier bleui par les ans
que les fleurs sont tragiques songé-je
seules au vase elles seraient belles
et là dans leur laine de broussailles
elles s’enveniment de terreur
viennent à moi dans le grand deuil
d’un lilas horizontal foncé
je me vois à travers elles
je gis au creux d’un village détruit en 14-18
le tapis de jacinthes
prend toute la place
chaque brin figure un brin d’homme
un jeune homme qui fut
une jeune fille pimpante
une famille autour de l’âtre
et tout à coup
le parfum peut-être
la tête me tourne
je vois s’envoler les toits les murs les cheminées les vivants les morts
j’entends les murmures du vent
les cris les appels des animaux
détonations explosions lointaines
je m’éveille
et j’essuie mes joues
ravi d’être en paix