Mon fils m’a emmené en Cornouailles pour que j’échappe à la griffe du deuil. Ainsi ont pu s’imposer contre ma stupeur ces quelques vers.
- L’orage
protégé de la nuit
par les épaules de l’orage
qui éclate en gestes brusques
et grondements lointains
auxquels se joignent quelques aboiements
tout fragilise mes certitudes bancales
les aveux que je gardais
sont restés dans ma gorge
avant le larynx
et l’horizon visible
que nous admirions par la croisée
a explosé en pluies battantes
Elle n’est plus
Elle n’a plus
je n’ai plus pour appui
cette vieille espérance
qui a bien servi
souvenir des sourires
autant dire plus grand chose
l’orage a ravagé mon arpent intérieur
il va falloir être franc
l’orage a rendu l’âme
enfin
mais Elle aussi
nous ne sommes plus à deux
comme ces vagues qui
écumes de nuit
crèvent là-bas
se divisent et s’émiettent en pluie
jusqu’à mes pieds
ancrés dans l’encore
du pays qui s’achève.
23 août
2. vagues
férocité des vagues
qui mordent vers l’avant
sans discontinuer
en milliers de millions
l’écume au col blanc
caracole sur l’émeraude
aucune fatigue
chez ces grosses élégantes
au massif soulèvement
elles s’arrachent
en une insolente légèreté
et vont mourir
en léchant de leurs lèvres géantes
le granit
jauni des siècles
24 août
3. La tour de St Ives
elle s’enfonce dans la baie
pour la mieux protéger contre les vents
sa terrasse crénelée
s’est teintée d’algues brunes
camouflage emprunté à la terre
on la croit fragile
elle a mille ans de granit
arraché au roc
mon amour si tu savais
comme on peut perdurer
toi qui craignais si peu pour ta peau pour ta vie
l’océan et la pluie caressent St Ives
et la pierre solide
fait vibrer les pattes des mouettes
qui ne cessent librement de piller nos pains mordus
un jour je reviendrai
par l’océan avec les cormorans et les dauphins
pour t’arracher les mêmes rires pointus
et du fond de l’eau
tu remonteras
vers la tour protectrice
jusque dans la nef intérieure
en berceau
où nos voix chuchoteront longtemps
25 août