lorsqu’il arrive aux éventaires
au moment où les querelles de l’an
se chevauchent enfin dans leurs derniers échos
j’éprouve
dans le gel cassant des flaques de janvier
un léger choc
je marchande vite trois brins
de ces étoiles velours acheminées du sud
crucifiées là plein vent au carrefour
je les emporte prestement
dans le chaud de l’atelier
où je les épuise du regard
j’écris près d’eux
et longtemps je n’ose y toucher
la lumière dispensée par les petits soleils
s’émiette peu à peu
dans une odeur de miel
le pollen coule au vernis de la table
le chant volatil s’épuise
imperceptible déposition des particules sans vie
ainsi l’or du jour fuit-il
lestant chaque seconde
du poids de sa précieuse poussière
C’est tout à fait cela , Raymond. Cet enfouissement dans le miel doré des ces fleurs que l’on porte par brassées comme des soleils volés dont nous savons l’éphémère beauté et l’ivresse de ce parfum voluptueux.
C’est l’éphémère qui est sa vraie beauté. elle flotte là devant depuis que je suis né. Car c’est un peu de notre vie qui rayonne là.
Chaque poème de votre univers comme une projection de lanterne magique. Le monde d’un dormeur éveillé qui remodèle le monde au gré de ses désirs, de sa fantaisie. Souvenirs d’un monde connu en harmonie malgré les fureurs de la guerre. Ici, la légèreté miraculeuse de ces fleurs. Vous me donnez envie de peindre.
La fureur de la guerre doit absolument être transposée; sinon c’est invivable. Matisse avait commencé un tableau de sa fille d’un admirable jaune. Il y travaillait lorsqu’elle fut arrêtée pour faits de résistance. Déportée, elle est revenue décharnée et Matisse n’a jamais pu reprendre le tableau de toute sa vie de peintre. On dit que c’est le seul qu’il n’ait jamais achevé. L’arrachement de la guerre est inguérissable. Et pourtant il faut essayer, de toutes ses forces.
Le jardin d’Éden après le déluge…
Témoignage bouleversant.
Mots et couleurs en pleine vibration, haussant le ton jusqu’à l’acmé. Intimisme et jaillissement.
Mêler toujours ce à quoi on tient au monde tel qu’il vibre. La rencontre se fera.
Je me souviens de “L’atelier au mimosa de Bonnard. où dedans et dehors de mêlent hors d’atteinte. Une vision flottante. On ne peut plus distinguer et nommer…. Et comme dans votre poème une tension affleure dans le chatoiement des couleurs et la quiétude apparente.
Que la douceur se fasse tension, rien de plus normal. Si on veut qu’elle tienne la route.
La lumière blondit le mimosa comme une chevelure. Couleurs fluides. Volupté envolée…
Vous écrivez : ” la lumière dispensée par les petits soleils s’émiette peu à peu
dans une odeur de miel
le pollen coule au vernis de la table
le chant volatil s’épuise”
Le jaune lumineux ruisselle de toutes parts comme une pluie d’or. Le parfum du mimosa échappe à la pesanteur et de dissous dans la rêverie du poète et… du lecteur dont le regard plonge dans ces mots lumineux, source de plénitude.
imperceptible