Dans son Dictionnaire amoureux du Brésil qui vient de paraître chez Plon (souple, élégant, drôle, émouvant, tragique, en bref : superbe! Quelle culture !), Gilles Lapouge évoque p.66 et suivantes, le babaçu, arbre de la famille des palmiers qui est sans doute un des plus riches en productions de tous ordres. Sa noix est d’une richesse infinie donnant aussi bien de l’huile, du vin, des shampoings, de la crème, des huiles solaires, tandis que son bois très résistant sert à faire des clôtures, que sa pulpe donne de la farine et que les feuilles nourrissent les animaux… l’auteur nous confie qu’on ne cessera jamais de découvrir de nouvelles vertus à cette plante hors norme.
Aucune technologie satisfaisante n’a cependant permis d’ouvrir les noix de manière industrielle, tant l’écorce en est dure. Ce travail est réservé aux pauvres et surtout aux femmes. L’auteur décrit l’opération ainsi :
« La casseuse de babaçu est une ouvrière néolithique. Elle se saisit de la noix. Elle l’assujettit sur le tranchant d’une hache posée à l’envers et elle cogne de toutes ses forces par le moyen d’un gros bâton. Dans les années 1980, j’ai fait une recherche sur cet artisanat. On comptait en moyenne trente-six coups de bâton pour fracasser une noix.
Le babaçu sauve les familles pauvres. On entre souvent très jeune sur le circuit. Dans un village dont seul le nom est réjouissant, Esperantinopolis (Maranhão), j’ai connu une casseuse qui avait commencé à l’âge de neuf ans. Elle en avait soixante-six. Elle tapait sur ses noix depuis cinquante-sept ans. Et pour gagner quoi ? Pour survivre. Quand on veut décortiquer dix kilos de noix, il faut cogner pendant dix heures. »
La suite est tout aussi étonnante. Gilles Lapouge raconte le long combat des casseuses de noix contre les propriétaires terriens qui ne veulent pas voir ces femmes ramasser leurs noix (alors qu’il n’en font rien). Persécutées, elles se sont rebellées et ont créé un syndicat : le Mouvement des casseuses de noix de babaçu. Grâce à ce regroupement, elles sont parvenues à faire admettre le principe du ramassage, certaines municipalités les protègent, et le combat dure encore…