maisons
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maisons
je me souviens du jasmin délicat
qui croissait tranquille en ce mai d’élégance lointaine
contre le crépi ocre jaune
nous obéissions au gravier du ruisseau
qui mordait sous nos pas
l’hôte avait laissé la clef sur la porte
et le chemin mon dieu ce chemin
qui menait à la vie hélas quotidienne
il avait fallu songer au présent
laisser au porche rouge de fleurs les rêves
organiser penser futur entrer sortir
j’ai encore à l’oreille les grincements
des gonds de la serrure et des corps
les graviers basse continue du temps
au fait où crissaient-ils
maisons saisons ont été traversées
de mes mots de mes pas de mes mains
parfois les persiennes paupières battaient
soir et matin
le monde était loin nous étions protégés
et du fond du salon je rêvai mille autres vies
désormais l’épidémie s’enflamme
d’ennemis invisibles
alors je chante à tue-tête entre les murs
j’oublie la vilaine folie d’avril
j’attends le joli mai qui souffle au seuil
le priant de faire mourir les poisons de l’air
j’attends aussi qu’il me laisse
– c’est beaucoup demander –
respirer le parfum du jasmin
qui va s’élever sur l’échine du mur
ami gorgé de mon passé
invisible et suffocant de finesse