cathédrale III
ses formes géantes me dépassent
elle me rassure
l’ombre d’aube
le porche rose du soir aux yeux cernés
sont à l’image des êtres majeurs qui m’engendrèrent
je revois au parvis mon enfance petite
je trébuche aux pavés comme l’enfant qui s’essaie
l’émotion est aux hésitations que je reconnais
tel fut mon pas un jour
la pierre rugueuse est un peu leur peau d’adultes
contre laquelle j’eusse aimé parfois donner du poing
mais qui fut tendresse sans doute et force
et reçut mes chagrins
cette sécurité qui me retint au bord du vide
à laquelle je m’accrochai
sur le balcon des bras là haut le promenoir
ce qu’on appelle la foi est tellement touchant
l’enfant au parvis et la pitié de soi balbutiant des ave
ce vaste édifice me toise comme ils le firent
aujourd’hui c’est lui qui me prie
il me demande d’être adulte
il me supplie de loin je l’entends
les neufs cents ans ce sont mes six décennies et plus
le passé de la cathédrale et mon passé c’est tout un
le chant des tours c’est babel
c’est le rose des humeurs et des langues
les mille voix des vies croisées
qui m’édifièrent
vont comme vagues à travers la plaine
l’océan du temps j’en suis le maître
voilà ce que dit l’édifice
et les fameux boeufs mon dieu
mais c’est pour me dire le travail
que vivre est une tâche
aussi dure aussi gracieuse que la pierre taillée
qui se dresse sous mes yeux jusqu’au vertige
