cathédrale II
quand j’y pénètre
je ne peux m’empêcher de la nommer
je dis cathédrale
et le mot soudain à lui seul
imite l’écho des lieux où j’avance
il emplit la bouche
résonne au bord des lèvres
comme si je l’avais crié dans la nef
l’édifice est à la fois
le vide du vaisseau lumière
et le plein gris de la pierre
la parole vive et son écho noir
elle est présence aux yeux et aux tympans
elle ne cesse d’être la star de nos terres
et de sonner grave corde de violoncelle
par la plaine qui nourrit les hommes
et lorsqu’on habite à deux pas
il nous semble – éternels superstitieux –
que la maladie et la mort
tous virus confondus
en deviendraient presque acceptables
tant elle est devenue avec les ans les décennies
à force de vibrer dans notre imaginaire
un prolongement de notre corps friable
impavide presque ironique
elle brave orages tempêtes épidémies
à son omniprésence
nous voici réchauffés
ivres de pouvoir respirer dans son ombre
et ce qui se transmet à travers mille ans
c’est la folle satisfaction qu’ils eurent à l’édifier
heureuse affaire d’audacieux maçons
leur rêve réalisé est encore chaud
nous en sommes les fragiles garants
si bien que dire cathédrale
c’est chanter la joie d’être ici maintenant
et vivants
