il faut des nuits pour que le jour advienne
ainsi l’automne prépare-t-il l’avril en tapinois
j’admire ce beau déclin
où les feuilles calfeutrent nos lilas
quand l’or venu des bleus célestes tourne en pluie terne
obstinément ocre puis brun
noyant nos heures grises
sous un rideau poisseux
je guette à l’est une aube
autrement grave
nous sommes exposés aux chauds aux froids
exister est tout compte fait notre unique saison
avec ses humeurs mauves
et son déclin tout de frilosité ingénue
car on n’apprend pas à vieillir
les souvenirs s’entassent
la mémoire devient ce fatras
où les moments gonflés de dires
d’émerveillements colorés
basculent en un instant
autant de feuilles d’or
que la terre nue entassera en toute cruauté
l’amour demeure seul écarlate entre les mains
une pensée de nous relayée par les enfants
puis les enfants des enfants des enfants
et c’est ainsi que je pense à l’automne
sautant les flaques
froissant les feuilles
croquant la pomme nouvelle
La mélancolie vous va bien. Ce poème est d’une grande beauté.
Merci Christiane, c’est l’automne ! C’est autour de nous qu’est la beauté… amitiés ferventes.
En fait le paysage semble exister pour vous, avant l’écriture, mémoire indépendante du réel, lié à un absolu de beauté.
Des couleurs mais surtout une harmonie profonde avec vos sentiments. Tristesse accordée à ce qui a été. Douceur et acquiescement.
J’aime le final à saute-flaques.
C’était au temps des saisons, au temps des nuages…
https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/cByr4z
Et voilà…
Je me sens incapable d’aimer réellement un paysage urbain. Je ne vois pas comment c’est possible. Parfois, à la gare de Lille, à New York, au bord de la rivière qui traverse Osaka, j’ai eu des fulgurances, des éclairs très vite gommés par le bruit (qui restera comme une plaie de notre temps). Tout apparaît alors inhumain, alors que justement ce ne sont que des bruits humains. En ville – il me manque les codes – je ne sais jamais quelle saison on est, je crois toujours que c’est l’hiver.
J’ai encore des roses sur ma façade, c’est un vrai bonheur et novembre s’épuise sous la pluie fine… J’attends La sainte Lucie (prénom de ma dernière fille) et les premiers craquements du solstice quand la lumière renaît. C’est bientôt. Comme Goethe, qui en 1831 – le 21 décembre – confie à Eckermann la joie intime énorme qu’il éprouve à voir revenir la lumière (alors qu’il meurt en mars 1832). Ce sont là des choses capitales.
J’aime votre franchise, Raymond. J’ai connu les deux, aimé les deux mais en mon âge actuel la ville retrouvée, celle de mon enfance, de mon adolescence me convient bien. J’aime les pierres des maisons, les pavés, le bitume, les fenêtres éclairées le soir, les vieux toits de Paris, les oiseaux familiers. Les jardins, les parcs, les commerces, les librairies. Les terrasses des cafés. Les lumières. L’odeur de l’asphalte quand il pleut. Les arbres qui bordent les rues. Les néons de Noël. J’aime la foule où je me sens libre d’être inconnue, anonyme. J’aime ne pas avoir d’histoire sauf pour les miens. Être transparente. La ville me permet cela. Le passe-muraille de Marcel Aymé qui hanta Montmartre est un héros imaginaire délicieusement étourdi.
Je suis contente pour vous pour ce solstice d’hiver qui vous rendra les jours plus longs et pour les roses sur votre mur et pour votre fille si joliment nommée Lucie.
Bonne soirée.
Je vous suis parfaitement. La poésie de Paris. Cette liberté, cette transparence, oui, je vous l’envie un peu c’est vrai.
Jules Renard: les murs de province suent la rancune.
C’est exagéré mais pas totalement faux.
Hantée par le moyen âge ma ville a quelque chose du monstre sucré. Elle exalte, mais je dis parfois en manière de sourire qu’elle n’existe pas. En haut il n’y a plus trop de place pour s’étendre et en bas gisent des quartiers mais hélas ils ne communiquent pas bien entre eux. Trop de cité, nuit, comme trop de passé est une névrose. Laon est une très belle cité. Les jours de soleil, c’est indéniablement une splendeur. D’en haut on voit loin. Mais la ville semble embarrassée de tant de pierres finement agencées.
Le solstice me tarde.
Les villes de province, j’ai connu aussi, même les villages mais seule la ville natale m’a redonné cet espace de liberté que j’avais connu adolescente.
J’ai mis au loin les attachements précaires, les amours toxiques. Je me sens bien, pleinement bien. Sans trace. Sans aspiration à être reconnue. Les miens sont toute tendresse. Mes livres aussi. Vous habitez la même terre que Bernard Noël dont je vous ai envoyé l’échange poétique “Défaillir”. Lui aussi aimait son jardin et ses oiseaux, la poésie et l’amitié. Une certaine virulence que j’appréciais beaucoup.
“Défaillir?” Écritures croisées avec Jeanpyer Poëls / Laon/ editions La Porte /2013.
“Grand arbre
le temps n’a plus de feuilles
la mort a mis un baiser blanc
sur chaque souvenir”
“la Face de silence” /Bernard Noël
C’est un fragment de poème dédié à André Pieyre de Mandiargues.
C’est un beau fragment !Tous les domaines sont convoqués en quelques mots, manière de décrire notre finitude. Bravo à Bernard.
La chanson de Nina Hagen choisie par Angela Merkel?!
Une chanson allemande, contre la guerre m’a frappée : NENA , 99 Luftballons. Il y est question de quatre-vingt ballons que les généraux prennent pour des avions ennemis …