derniers jours

Mon épouse Patricia s’éteint lentement en ce juillet qui flambe. Voici ce qui se passe:

chaque jour s’enténèbre

un peu 

davantage

Elle respire comme la mer 

vagues soulèvements sereins 

à jamais allongée 

Elle tient des propos conciliants 

lents et doux le plus souvent 

pour vous c’est la tragédie dit-Elle 

pour moi c’est une libération

j’aime ta main sur mon front dit-Elle encore 

d’une voix chère qui ne s’est pas encore tue 

quand Elle sourit

on ne croit pas qu’Elle agonise 

c’est le soleil levant 

une nuit puis encore une aube 

j’écoute Ses silences 

ouverts sur le vide 

et Ses yeux écarquillés 

qui fixent un point du monde qu’Elle désigne du doigt 

Elle montre je crois la vie qui Lui échappe

je suis sûr qu’Elle en sait sur son cancer

bien plus que les laborantins

le désert du diabète L’assoiffe

alors d’une main optimiste 

je Lui tends le gobelet canard 

qu’Elle coince entre ses dents 

Isabelle et Marie L’entourent 

de leurs soins silencieux 

ce sont Ses anges presque muets 

presque solennels qui Lui gardent 

et la peau et les os

de leurs doigts affûtés 

musiciennes elles jouent la mélodie 

qui protège au présent

contre le fatal soupir 

la tendresse des proches 

dit en mots rassurants 

(douceur toujours)

que nous La protègeront 

jusqu’au bout et au-delà 

Elle sourit