quand je pousse de toutes mes forces
-le tronc à l’horizontale-
de la rame contre la berge
l’esquif menace de basculer c’est vrai
mais c’est le meilleur moment
je risque ma vie car le fleuve
bouillonnant est sans pitié
pourtant la joie qui surgit
est tellement ouverte aux frissons
que ce petit choc de rien du tout
qui engage vers le cours fabuleux
résonne comme un tutti de cuivres
tenu d’un roulement de tambours
la foule des vagues enfle le flot
au long du voyage le coeur battant
je traîne la nostalgie du choc premier
ils disent que c’est cela vivre
ils n’ont sans doute pas tort
alors porté par les bienveillantes paroles
je laisse filer l’esquif
je me retourne par instants
humeurs chagrines qui fuient
avec le défilement des peupliers
emplis d’oiseaux multicolores
berge et regrets sont loin
le roulis est si doux
caressant les piles des ponts
je me plais à chanter une chanson
qui parle d’un voyage que l’on fera
jusqu’à la mer immense
où les soleils se couchent longtemps