boeufs

comme les enfants

vont les yeux rivés au caniveau 

depuis les hautes bordures du trottoir 

ainsi vais-je au pic de mes années 

vers une manière de précipice 

d’un pas hésitant 

gorge nouée 

le vent m’évente la cheville cale 

et les oiseaux m’observent 

sans doute en attendant que ma malléole s’écorche au granit 

des pavés du parvis pour caqueter rieurs

mais voici que mon vieux pas s’affirme 

peines et chocs se raréfient 

les pigeons (piétons qui volent)

repartent confier leur dépit aux encornés

qui en ont vu bien d’autres en huit cents ans

et  se moquent bien des volatiles

et de mes efforts pour marcher droit 

arrimés sur les haubans de leur navire

je crois qu’ils envient notre fragilité de vivants

ils aimeraient tant beugler

la vérité du monde

qu’ils connaissent par coeur

et se murmurent entre eux

(chaque matin est une naissance nouvelle)

mais ces malicieux tragiques

risqueraient la chute à chanter cette évidence

et préfèrent donc se taire 

ils savent qu’il n’est aucun risque 

à l’immobile éternité des pierres