“Un jour l’angoisse frappa à la porte. Le courage se leva, ouvrit, il n’y avait personne”
On notera l’extrême concision de l’apologue.
C’est tout récemment (début des années 2000) que cette anecdote a été extraite des limbes de l’écriture. Et c’est plus récemment encore (au moment du covid!) qu’elle a été attribuée à Goethe.
On ne prête qu’aux riches et il est vrai que ce ton allégorique correspond à l’idée que l’on se fait de Goethe.
C’est une pure invention, magnifique, qui a des origines complexes.On sent que le fond est religieux et les premières (?)traces se trouvent en Angleterre. Dans la version anglaise c’est la foi qui tient le rôle dévolu ici au courage: “”Fear knocks at the door. Faith answers. No one is there”. Elle s’est répandue aux Etats Unis depuis une centaine d’années. On l’a ensuite attribuée à Martin Luther King. Son origine demeure inconnue. C’est seulement en 2020 qu’elle l’a été à Goethe (covid oblige!); ainsi faisait-elle une entrée prestigieuse dans la pensée de chez nous.
Dans une première version anglaise de 1919 des chercheurs ont décelé un détail malicieux: lorsque la foi (courage) ouvre la porte, on voit disparaître les semelles de l’angoisse au dernier moment.
Des chercheurs en ont trouvé la trace au-dessus de l’entrée d’une auberge, et dans quelques ouvrages religieux aux Etats Unis. Curieusement, alors que l’anecdote est attribuée faussement à Goethe, les chercheurs ont repéré son apparition tardive en langue allemande après l’an 2000.
Aux USA on prétend qu’elle vient des Amish.
En Allemagne on s’imagine qu’elle est irlandaise ou chinoise, c’est selon. Il faut attendre 2011 pour voir l’anecdote racontée sous la forme d’un proverbe chinois.
C’est seulement en 2013, sous la forme d’un tweet(!), que le mot “foi” est remplacé par “courage”.
Un blogger allemand a trouvé la citation très adaptée au covid et en a fait une manière de mantra contre la maladie (fingersblog.com).
Depuis, contrairement au covid, la citation s’est répandue partout et ma foi… pourquoi pas?
Je demeure persuadé que cette histoire en dit long sur notre temps, fait d’angoisses, de phrases toutes faites, où la culture sert de faire valoir. Il n’en reste pas moins qu’elle pourrait aisément être attribuée non plus à Goethe mais à Freud.
La porte qui ouvre sur le vide figure la guérison par le courage… et c’est ainsi que cet apologue ne cesse d’être actuel.