Je sais qu’à part la rotation des sphères il n’est rien qui tienne, mais les piaulements dans la nuit à deux pas de la maison nous arrêtent, je me penche vers l’oisillon et le replace doucement dans le nid qui baille sous les feuilles de clématite et je dis à ma petite fille que c’est là à peu près tout ce que l’on peut faire. Nous reprenons notre avance, elle applaudit, puis me reprend la main, sa voix fraîche comme l’étoile qui monte éclate de rire, parle des avions que l’on devine très loin, s’étonne de leurs traces clignotantes, estime que ce sont peut-être des étoiles qui les font avancer, je la détrompe, tu vois c’est notre présence sur la terre comme au ciel et comme elle aime les mots je lui dis que l’étoile est Vénus, elle répète le nom pour le plaisir mais sa voix est si claire que les murs et les branches tremblent de toute leur usure bousculée des années. Dans les soirs de juillet on s’abandonne au vivre, palpitations de son cœur au creux de ma paume qui presse son pouls, je lui parle un peu de la musique des sphères, du rythme des étoiles au scintillement incontrôlable et sa voix murmure en montant vers moi que Vénus, elle, ne scintille pas, et je laisse courir la différence entre planètes et étoiles, on ne peut toujours expliquer et celui qui sait est bien moins intéressant que celle qui s’interroge, ainsi marchons-nous lentement vers l’ouest où le saule noir nous attend avec ses longs cheveux que nous effleurons chacun de notre côté, bras levés nous saluons ce miracle de fontaine nocturne d’où proviennent les bourdonnements de quelques hannetons collants qui nous évitent prestement. Le ciel maintenant palpite. Soir sans lune, les constellations s’installent, je repère Cassiopée, les deux Ourses, ne dis rien, sans doute va-t-elle m’en parler, nous avons le temps, un autre soir peut-être, et le son de sa voix ne monte plus, elle serre ma main plus fort tandis que nous revenons à l’aveuglette vers la porte d’entrée. Elle semble presser le pas et je me penche encore pour éviter qu’elle ne lève le bras inutilement, je songe aux accélérations des nocturnes où le piano suspend le temps, gouttelettes précipitées du rubato comme une rosée qui se suspend puis finit par descendre, le temps n’est plus la syntaxe obligatoire du chant puisque la nuit tout est ôté sauf le silence empli de souffles.
J’ouvre, elle se précipite pour raconter les étoiles puis ajoute : « On n’a pas vu de hérisson ». Je fais oui de la tête : « Les étoiles et les hérissons c’est beaucoup pour un seul soir, on verra demain – Oui », dit-elle en se retournant pleine d’espoir.