“Traces de pas” paru en 1995 chez Calligrammes, a obtenu le prix du livre de Picardie. On peut le trouver ici.
Si ces trois derniers jours j’en ai fait paraître quelques pages, c’est simplement à titre documentaire, afin que le lecteur intéressé puisse découvrir un peu de son contenu. Les articles qui suivent traitent de la même manière d’autres grands esprits du passé : Racine, Jean-Jacques Rousseau, Goethe, Hölderlin, Schubert, Chopin, Nerval, Proust.
L’idée centrale est un constat qui revient à imaginer, au-delà de la critique littéraire commune, un PAS qui un jour pesa sur la terre que nous foulons encore aujourd’hui, PAS que l’on entend toujours à cause de la présence indéniable d’un style propre qui résonne à nos tympans lorsqu’on lit ou écoute ces esprits exceptionnels. Mes rêveries sont donc des échos de leur présence vivante.
Lorsque j’ai écrit ce livre il y a quinze ans j’étais comme aspiré par leur présence, j’hallucinais leur vie à partir de leurs textes. Naturellement, suivant la personnalité choisie, l’accroche est différente et alors que je mêle des détails biographiques précis pour Jean-Jacques, on peut ne pas comprendre tout de suite dans le chapitre intitulé “Draps” qu’il s’agit de Racine. Cela m’apparaît sans importance. J’ai laissé se développer ces personnages qui hantent ma mémoire de la manière qui leur convenait le mieux: je ne commente pas ces grands esprits, je décris les échos qu’ils éveillent en moi. Ce faisant, je les amène dans notre temps, non pas pour en dire naïvement leur actualité, mais pour décrire à travers eux la persistance de notre culture dans les temps où la vraie lecture lente et patiente semble être peu à peu abandonnée au profit d’une lecture non subjective, neutre, scientifique qui défait ces trames au lieu de les faire revivre. Ce livre se situe ainsi à la croisée peu probable qui miroite vers nous avec insistance: entre lecture et écriture. On peut le lire comme un ouvrage sur le style, comme un chant, un appel, une fiction basée sur des personnages réels qui vécurent un jour et demeurent nos phares. On comprend que ce n’est pas un livre de critique sur ces auteurs, mais un livre de lecture écrite, une approche toute subjective, ainsi que chacun de nous le fait lorsqu’il se débarrasse des notes de bas de page ou du ton magistral, et se jette dans l’oeuvre sans d’autres repères que le livre qu’il tient en main. Je m’en tiens à la littérature primaire, le texte de l’auteur et rien d’autre. J’entends son pas, je dis ce que j’entends: le pas gravé de Montaigne, le glissement sur la glace de Goethe, l’absence de pas chez Nerval etc. Chacun d’eux a dans l’aventure de sa vie une avancée physique spécifique, un pas, qui se traduit par le style que j’entends chanter. J’essaie de restituer ce chant à partir de leurs traces splendides.
Je me permets en une modestie toute teintée d’ironie de classer ce petit texte du jour dans la catégorie: Actualité puisque ce petit livre existe toujours et doit poursuivre sa vie. Après tout il n’a que quinze ans, c’est le bel âge…