que sont les amis devenus

(Rutebeuf)

quand je reviendrai 

car je reviendrai 

il y aura l ‘étroite rue aveugle 

résonnant des rires de  l’antan rejoué

et les cris surtout 

quantité de voix où les pauvres

ne s’entendaient pas faute d’écouter

alors parurent sur ce décor 

les amis éphémères 

aux corps embarrassés

qui fuirent vite loin de notre monde 

un très long temps 

pour toujours souvent 

peu demeurèrent

une poignée

mais pourquoi sont-ils tous restés enclos

dans ma boîte crânienne

visages estompés c’est vrai 

de l’autre ĉoté 

de la porte vitrée des ans 

ils sourient font des signes disent leurs noms 

mais le bruit est tel  

que je ne perçois plus que la musique rauque 

de leurs cordes vocales

le vent a balayé le reste 

les traits du visage marqués de coups 

les coiffures incongrues 

et les pantalons crevés de partout 

que l’on remontait machinal 

en reniflant 

à défaut de mouchoir