quant à en savoir davantage sur cet homme sans opinion qui se targue d’être moi autant essayer d’arrêter la rivière, flot finalement sans rive, être tout compte fait sans nom réel sauf pour les autres il faut bien donner sa part aux lions du collectif mais là dans cet entre-deux au beau milieu et sans ponctuation, au temps de la détresse et dans l’intimité du moi je me laisse dissoudre je ne suis plus que toi et nous et Proust et Claude Simon et il faudra bien dire ce qu’il en est de notre présence en ce lieu, ce qui palpite palpite printemps deux mille dix-huit j’aimerais bien dire ce lieu, et bien sûr ce temps, mais c’est déjà moins intéressant, oui dire le lieu d’écrire au lieu de m’acharner sur moi sur cette chair de moi, le corps bien réel, c’est lui le lieu cependant, ce pendant qui semble bien moi et redit ma présence au milieu des ouailles du grand market, achète dit la violence amusicale qui nous entoure de cette vaste prose, de cette vaste prose éprise de soi, et de soi uniquement et je vais courant d’un étal à l’autre dès l’aube éperdu athée voici venir les temps des ciels d’ici-bas toujours brouillés, grande mélasse, voilà le lieu, voilà ce qui se passe derrière, le décor des vacations et tu voudrais que je sois moi mais je ne peux et que les choses soient claires mais je ne peux, j’entends bien la variété féroce du plus offrant par le meilleur vendeur ce Méphisto de luxe qui braille là devant sur les formes anciennes, voilà j’ai tout dit du temps, enfin je crois, je n’y reviendrai pas, c’est le lieu qui m’intrigue, le lieu, j’ai à peine commencé d’en parler, j’ai mis Proust écrit, il me fallait bien un appui, je n’allais quand même pas aller chercher le passé simple des récits paraphés paragraphés avec ce style bien connu des zola énervés par les fameux trop fameux problèmes dits de société qui oublient l’insistante présence affrontée à la pluie, à la dépression veux-je dire, du moi pour moi, problèmes qui délavent la crudité de la surexposition au temps d’ici et maintenant, qui eux n’ont rien à voir avec les hiérarchies d’antan et tendent leur mufle, ces temps, ce temps vers un avant sans fard sans avant, avec pour seul moteur ce que tu sais, i.e.rien, enfin si, trop de choses, l’amertume de celui qui ne sait répondre à la question du qui va là, car le moi je l’ai dit est au feu de la comète présente un souffle petit, certes insistant, mais si petit qu’il vole en étincelles dans un espace sans confins toutes directions, pépites folles, allons allons, je ne suis pas venu pour rassurer, et si j’écris Proust en bandoulière c’est pour oublier ma lenteur et la vive allure du plancher des vaches où je croyais être accroché si bien que je dirai sans cesse le pourquoi du comment du fleuve où j’essaie d’être, courant courant encore au ras du sol qui n’est que vague,
4 réflexions sur « Proust écrit (3) »
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Ça commence à faire un long ruban d’interrogation, ces trois séquences. On sent les mots qui roulent et appellent le sens par leur interrogative répétition. Mais cette parole échappe aux lectures antérieures de Proust, C.Simon, Quignard. Voilà qu’elle vient du fond de gorge, là où se battent silence et cri. Sans savoir ce qui gagnera la main sur le clavier. Ce que ça dira. Si ce n’est qu’il faut le dire, que c’est impératif. Que ça remonte du fond de vous, antérieur à vous. Que c’est chaotique comme du Beckett qui chute sur sa propre parole dans L’Innommable et dans la dernière bande. Ce que vous n’avez pu dire et qui est resté tapi au fond de vous.
J’attends le 4 !
La neige tombe si silencieusement. Un mois de mars devenu blanc et frissonnant. Hier au soleil, tous les arbustes tendaient leurs petits bourgeons vert tendre comme des petits museaux avides de téter la lumière et le soleil…
Sensible comme vous à cette stupeur qui fait s’interrompre soudain le printemps – comme si le premier temps ne nous était pas encore alloué: ah non ce n’est pas encore pour nous et la neige de passer son drap tout neuf sur nos lits de fleurs qui se maquillaient déjà aux plate bandes; je les voyais coquettes se préparer, puis soudain plus rien, on va retourner à l’indifférenciation générale pour un temps. Le blanc c’est toutes les couleurs mêlées.
Ah oui, ce que j’explore – j’y songe chaque jour chaque minute – c’est un lieu, dans le secret du fichier qui l’enserre je nomme le texte: “Ce lieu où l’on écrit”, et ça avance, voyez, ça avance, à l’origine c’est un tout modeste passage de Pascal Quignard intitulé “Gradus”, mais je ne sais plus où il est dans quel livre veux-je dire, cela n’est pas important je crois, ce qui compte c’est cette obsession du lieu, mais curieusement – et je vais en faire un morceau prochain – je m’aperçois que sans cesse le texte dérape vers le temps, le temps où l’on vit et je vais non pas expliquer la chose mais m’expliquer avec elle, c’est un remuement qui ne concerne pas grand monde je crois… mais visiblement cela vous intéresse: vous avez raison sur tout évidemment, c’est antérieur à moi, c’est fond de gorge, cela remonte, c’est le chaos qui revient, c’est tapi, cela veut venir au jour et finalement cela veut être un chant, oui, la cinquième qui frappe interrogation répétition. Oui, oui. On va voir. Merci de m’encourager dans ce lieu obscur où j’avance sans lumière qui me précéderait. Je n’ai aucun modèle. Je continue. Je suis suspendu à la virgule qui au lieu de ponctuer relance, relance. A suivre donc.
Le “Gradus“: un texte , intemporel, inactuel, abyssal, intrus“ conforme au “Jadis“ . Je crois que vous en parliez dans les commentaires, le 9/10/11 décembre 2016, sous ce magnifique billet de P.Assouline :
http://larepubliquedeslivres.com/en-larmes-creuser-lenigme-dans-la-langue-avec-pascal-quignard/comment-page-1/
Le rêve comme l’écriture , c’est le retour de l’oubli…
Vous faites bien de me ramener à ce Gradus dont j’avais déjà parlé. Je l’avais totalement oublié. Merci pour votre mémoire. Et relisant le texte de Pierre Assouline je me suis régalé, même si curieusement je ne partage pas l’enthousiasme de son auteur envers ce texte précis de Pascal Quignard que je trouve un peu risqué comme une habitude prise (écrire) qui se prolonge et ne peut cesser d’avancer à partir d’une anecdote légère, émouvante comme l’aube, mais qui ne méritait peut-être pas un ouvrage appelé roman, alors qu’il aurait suffit à son auteur d’en faire un bref paragraphe comme il sait le faire si bien. Il est vrai que le sujet: la naissance de la langue française, offrait dans sa grave solennité matière à un ouvrage à lui seul. Le retour de l’oubli dont vous parlez, oui, bien sûr.