À l’hiver il faut faire ce crédit de l’ouvert, du couvé, de l’attente à ce point silencieuse que l’appel des chats dès janvier fait un raffut de volcan, la terre tremble, l’air en est saturé jusqu’au sec dormant sous l’humide apparence des feuilles rouillées… sans parler des sifflantes délices qui vers le crépuscule, entre chien et loup, trillent si serrées qu’on croirait une seule note, merles météores du soir en accoutrements de corbeaux au petit pied ; ainsi glosent-ils sur la stupeur de la nuit toujours davantage repoussée. Ils écrivent contre les chats des lignes de sons, des tenues comme frissons d’un dernier hiver et leur robe qui file droit vers l’horizon buissonnier a des allures de chambellans du crime de vivre ; or, que faisons-nous de mal ? Qui nous condamne ? Leur rire glace un instant les os, puis l’humour reprend le dessus : étais-je bête, dans mon effroi de leurs stries mécaniques ! Ils vaquent tout simplement à leur dernière becquée avant le nid et se réjouissent par avance des chaleurs de leurs brindilles tressées contre le gel, plessis précieux, si doux à tenir dans la main et que dans nos salons surchauffés nous envions, à cause de l’air sans doute qu’ils inspirent du haut de ce bec ocre dont ils sont virtuoses… ah, l’envie que nous avons de leur contact immédiat avec les étoiles que la nuit coud !
On berce longtemps les peurs infondées suscitées par ces oiseaux fringants dans leur corset bleu foncé ; sans eux nous n’aurions peut-être jamais vu au-delà des arbustes défaits, les rose gris du couchant audacieux qui traîne tant qu’il peut, allongement où le violet de l’obscur tarde à s’immiscer. Je garde contre mes paupières jusqu’au sommeil la palpitation du jour sifflée par ces fils de la nuit, guetteurs trépidants que les chats éplorés ne rêvent même pas de saisir, trop occupés qu’ils sont à imiter les pleurs des nouveau-nés.
4 réflexions sur « Merles et chats »
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Comptes et merles
C’est toujours quand assis à mon bureau, le dos à la fenêtre du rez de chaussée, plongé dans l’océan des factures, bordereaux, récépissés, quittances en attente de classement ( il faut bien que l’administration des finances s’y retrouve , elle), toujours dans ce temps-ci que je l’entends vraiment.
Je l’entends sans le voir (l’entendant je le vois, je le connais si bien).
C’est son discours de la fin du jour à la fois sec, roulant, puissant, insistant, je sais qu’il est juste à deux pas fouillant les feuilles au sol dans un mouvement de plongée qui, enfant, me ravissait déjà.
Me vient une vapeur douce en tête, une mollesse du cœur et de la main qui tient le stylo, une fixité des yeux qui ne voient plus le mur, là, devant.
L’air est très lentement en train de changer et l’on a beau aimer l’hiver et les sports qui vont avec, l’autre saison, quand même….
J’ai toujours pensé que les hirondelles « faisaient » plutôt l’été.
Le printemps reste pour moi le merle du soir et les comptes de l’année.
Je lis votre texte, cher Rémi, comme un prolongement personnel de ce qui est proposé à rêver. Tant mieux. Votre commentaire est une lecture drôle: elle mêle des considérations administratives, la plus prosaïque qui soit, à des rêveries qui prolongent le texte, ce qui ne manque pas de piquant. Merci.
Il faudra revenir sur l’idée que les hirondelles “font” plutôt l’été. Vous voulez dire: donc pas le printemps. Sans doute considérez-vous comme les spécialistes en météorologie qu’il n’y a en réalité que deux saisons: l’été et l’hiver. Et vous ne croyez pas si bien dire puisque les Allemands disent non pas: une hirondelle ne fait pas le printemps… mais “Une hirondelle ne fait pas encore l’été”…
Je voudrais cependant défendre l’idée de deux autres saisons intermédiaires comme le printemps et l’automne. Pourquoi? Mais tout simplement parce que ce sont de beaux mots ! Je ne m’attarde pas sur l’automne qui a été mille fois chanté sans doute à cause des sonorités douces et mélancoliques – un vrai cliché! – mais le printemps qui nous vient est à coup sûr un “premier temps” ce qui nous permet à nous Français de faire enfin un lien entre le temps qui passe et le temps qu’il fait… le mot “temps” a enfin son double sens grâce au printemps. Quelle richesse !
on peut penser que le printemps et l’automne sont les demi-saisons , celles où “le ciel tombe”.
je préfère cependant la franchise du ciel des pleines saisons, même si le premier temps qui s’annonce me “pince” toujours légèrement par des signes minuscules comme le chant vespéral du merle et bien d’autres encore qui me sont très personnels!
Je vois cher Rémi que vous êtes également sensible au printemps que bien d’autres et moi-même ! C’est une évidence. J’aime beaucoup l’emploi de “pince” ! Bien à vous !