“Cette cage de mots il faudra que j’en sorte
Et j’ai le cœur en sang d’en chercher la sortie
Ce monde blanc et noir où donc en est la porte” (Aragon le roman inachevé)
La face cachée
Comme la lune, toute œuvre a sa face cachée. Je crois en empruntant les souterrains que le mystère va être levé. On se dit qu’on va tout comprendre, que cette nuit marchée (manière de rêve prémonitoire) va nous éclairer sur l’histoire, la vie, la foi peut-être; après être passé par la nuit, le sens va me venir, car il n’est pas possible, pense l’enfant en moi, que tout cela (le monde) n’ait aucun sens.
On en ressort en effet moins ignorant du pourquoi et du comment, on est soulagé, la lumière du jour nous fait une aube renouvelée, seconde naissance bien sûr, on respire, on s’aperçoit qu’on s’est fait peur, que la vie est cet échange entre ombre et lumière, que l’avance de nos jours a quelque chose à voir avec cet obscur et tortueux chemin de nuit sans étoile.
On se souvient des signes aperçus, de la voix du guide en écho et de notre curiosité qui s’est peu à peu apaisée. C’était un voyage, nous avons eu raison d’emprunter cette nef de pierre, la vie c’est ça aussi, pas toujours ce que l’on dit dans la lumière du parvis mais ce que l’on murmure dans la nuit du secret, de l’intime, tout contre les festons de l’oreiller.
Dans les ombres des souterrains, on croise sa propre personne que l’on ramène comme Orphée ramène Eurydice en pleine lumière. C’est moi qui me suis extrait de la roche-mère. Sans les souterrains je n’aurais jamais éprouvé l’éclat fabuleux des bœufs qui folâtrent là-haut, de même que la nuit quand je dors je réarrange dans mes rêves la lumière complexe du jour passé, préparant le jour à venir.
Les souterrains c’est cela aussi, ce songe mensonge qui à la base devait tout expliquer et qui nous murmure seulement: le vrai mystère n’est pas là-haut ni en bas sous la terre. Le vrai mystère est caché en toi, le mystère c’est toi, le mystère est ta souterraine invention perpétuelle, c’est ton œuvre, là où tu travailles dans le silence, le cœur battant.
Retour au plus profond, à la rencontre de vous-même.
Retour au plus profond à la rencontre de vous-même.
Désolée pour la redite de ce début de commentaire !
Donc retour obsessionnel à votre souterrain à la recherche de vous-même comme s’il y avait eu un chemin perdu, une erreur d’aiguillage.
Il vous a fallu trouver une langue autre que la langue maternelle. Orphée n’a pas de nationalité, son chant profond et sombre. Vous le suivez mais Eurydice c’est vous, vous au pays des morts.
“Le vrai mystère est caché en toi, le mystère c’est toi, le mystère est ta souterraine invention perpétuelle, c’est ton œuvre, là où tu travailles dans le silence, le cœur battant. “
Très beau texte… et fort, en quête de ce noir intime, ce versant obscur qui questionne et capture nos vies, source immémorielle de toute poésie.
Oui, c’est la nuit qui écrit. Les lettres inscrites sont noires. Je sais bien que ce n’est pas drôle, et pourtant, c’est comme la voix, quand quelqu’un parle il faut se taire, quand quelqu’un parle le jour se lève, mais c’est la nuit pour les autres qui écoutent, enchantés. Le noir est le décor nécessaire à la venue de poésie.