Mémère fouilli fouilla a tout mélangé, elle n’avait aucun ordre, aucune logique, aucune tactique sinon l’insulte et encore l’insulte. Cette femme ignore le rationnel, l’ordonné et ne fonctionne que par ragots, non-dits qu’on « ose » dire et rumeurs que sa famille étroite entretient ; elle est restée la fille à papa maman élevée à Montretout à coups de fantasmes et d’idées toutes faites sur le monde et la vie sociale. Ses mots sont des clichés, des stéréotypes qu’on se repasse depuis février 34 ou Vichy et qui servent de grille d’expression pour tout ce qui arrive. Il n’y a aucune réflexion, aucune intelligence, aucune prise de distance par rapport aux événements du monde. Elle a des réponses pour tout, elle sait dans le tréfonds de son cerveau tortueux le mot qui convient (!): c’est toujours une ânerie ou une insulte. Elle n’aime pas le monde et a envers les gens ce sourire mauvais qu’on lui a vu mercredi soir et qui traduit au fond un immense malaise de devoir s’exprimer intelligemment et rationnellement… pour la première fois dirait-on. Elle parle comme ça lui vient, sans ordre ni raison. Elle rit d’un rire faux, son ironie est grossière, on sent qu’elle a toujours vécu dans le même monde étriqué et ricanant de sa tribu qui ne tolère pas l’Autre, le différent.
Caton, agressé en public, comme il ne se révoltait pas, ses amis lui disaient de réagir : « Que voulez-vous que me fassent ces crachats, dit-il, cela ne me concerne pas. » Comme les anciens grecs ou romains, Macron ne relève pas la vulgarité – cela reviendrait à lui conférer quelque efficacité – il répond sur le fond, se moque absolument de la cruauté stupide de sa concurrente, avance presque naïf(!), droit et dans une langue impeccable. Il est déjà président. On dirait que les insultes sont comme des mouches qu’il chasse d’un revers de main. La voix est posée, l’attitude ferme et toujours souriante. J’ai cru parfois qu’il se moquait de l’incompétence de mémère, mais au fond il sentait qu’il avait déjà partie gagnée car elle ne proposait rien, s’énervait contre lui ; il laissa faire… ce qui l’a pourtant amené à un moment, à propos de l’écu, à faire preuve d’une ironie cruelle, fausse naïveté étonnante, où il a pris l’ascendant sur elle de manière presque violente alors qu’il ne proférait aucune insulte, à peine un sourire. Le sourire suffisant de Macron m’a fait de la peine… pour elle ! Oui, malgré sa sottise, j’ai eu pitié d’elle ; à cause de sa sottise devrais-je dire. Il l’a ridiculisée, elle, la terreur inconsciente des braves petits bourgeois comme moi qu’effleurait l’idée fataliste que ce serait peut-être elle. Mais non, ce ne sera pas elle. Le sourire de Macron l’a annihilée, dévorée tout crue. Elle est apparue nulle, rance vieille France, tout droit sortie de cette rancœur des crétins qui devinent obscurément que le monde tournera sans eux parce qu’ils sont décidément incompétents.