L’Aisne est un département qui vote FN en majorité. Nous sommes champions de France avec le Pas de Calais. C’est dû au fait que les gens s’y sentent mal ; ils n’ont pas de sentiment d’identité. Il n’y a aucun rapport de “parenté” entre un habitant de Chateau Thierry et un habitant de Hirson. On dirait deux planètes ; se sentir axonais relève du tour de force. Les habitants ne se reconnaissent pas dans un unique pays ; ils n’ont pas de pays cohérent ; aucune autoroute par exemple ne traverse le département du sud vers le nord ; on ne se sent pas chez soi, il n’y a pas de chez soi, il n’y a pas de communication (la RN2 est une dérision) ; on y perd le nord et on n’y gagne aucun sud ; aucun rapport entre les meulières du sud avec leurs vignes fermement alignées et les rouges maisons de brique du nord au milieu des gras pâturages. Il semble impossible de manger du Maroilles en buvant du champagne et on ne boit pas le lait dans une coupe. L’Aisne dirait-on est un pays qui ne cesse jamais d’être en transition, entre une identité champenoise (supposée « riche ») et une identité du nord (supposée « pauvre »). Ces tensions, rivalités et incompréhensions de l’Aisne en font un département trouble, forcément trusté par les extrémistes. Rien de plus naturel, a-t-on envie de dire, sous l’Aisne coule la haine.
La rivière Aisne qui donne son nom au département prend sa source dans la Meuse (!) et traverse le département dans sa partie sud, elle ne peut en aucune manière être un lien pour le département. La géographie indique de plus que les deux rivières qui donnent leurs noms aux deux autres départements de Picardie prennent leur source dans l’Aisne. On s’y perdrait pour moins que ça ! Et voici que surviennent les tout récents Hauts de France, fausse bonne idée, pas si vite, Monsieur Bertrand, laissez-nous respirer, d’autant que « les hauts » ne ressemblent à rien du point de vue purement géographique. « Ajoutons le trouble à la confusion il en sortira peut-être quelque chose », pensent nos lointains édiles.
On pourrait sourire du choix de Laon comme préfecture (voir les nombreux débats du passé), mais Laon de son côté souffre de n’être pas une ville ; c’est une cité. Une cité médiévale peu extensible sur son plateau limité et au bas de la robe splendide du plateau, on a donc un éparpillement de quartiers qui ne ressemblent pas à une ville habituelle (avec une place centrale et des quartiers reliés entre eux qui serait le schéma normal ) d’où les débats justifiés et interminables sur le Poma : c’était enfin un lien du bas vers le haut, de la cité vers les quartiers émiettés ! C’était moins pratique que symbolique certes (seul le quartier de la gare était concerné), mais la symbolique dans les problèmes d’identité, c’est capital. On nous l’a ôté pour des raisons économiques alors que les vraies raisons de sa présence étaient de donner un semblant d’unité à la ville (cordon ombilical !). Avec le Poma cela commençait à ressembler un peu à une ville comme les autres et là de nouveau on nous recasse une identité laonnoise déjà bien laborieuse où le plateau se cherche encore un commerce vivable au milieu des splendeurs.