fièvres 23 flot (mars avril mai 2020)

23

flot

laissant la barque d’épidémie

à l’attache derrière moi

où de sa pointe elle désigne l’aval

de sa féroce insistance coutumière

je m’engage sur la berge vers l’amont

mes pas sont si prudents que les semelles

semblent-ils craquent et gémissent un peu 

je furète de mes yeux éperdus 

j’entends des cris 

il s’est passé quelque chose

les éclats des eaux mille feuilles de lumière

crépitent sur le lit tortueux

antique silencieux 

rien ne résiste au courant chante le flot

mon pas dit le contraire songé-je

et je rêve cet avril poison 

je veux revoir tranquille 

la série éphémère des cytises et des lilas

le présent me console tant et l’autrefois un peu 

la rivière peut bien emboucher le deuil final 

mes pas eux papillons incontrôlés

remontent et se posent 

en ce silence mérité 

page blanche très présente 

sur laquelle je demeure sans souci 

souriant d’activités

candide je choisis l’aube

je n’oublie pas la barque du couchant 

mais elle ignore que les naïfs sont braves

et que les poèmes s’écrivent contre elle 

en dépit des poisons