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l’infirmière
elle effleure de la poitrine le bras du malade
le tube crachotte
elle se penche
observe le corps en fièvre
grièvement mordu par la bête
on n’entend plus que la mécanique
rythme insoutenable
elle accompagne sa douleur de petits gestes
un pli qu’elle tire un pichenette machinale sur la perfusion
elle murmure que ça va aller puis se lance
dès que j’ai vu que c’était toi murmure-t-elle
je t’ai pris en charge
pas de hasard
je me souviens – juste avant que tu me quittes –
de ta colère quand je barrais le voilier
je disais laisse-moi faire
je sais d’où vient le vent
je connais ses moindres souffles
et l’infini des eaux
et les crêtes des vagues qu’on traverse de biais
laisse faire laisse faire
tu vois aujourd’hui encore
je te guide je précède ton corps
ligoté étouffé écrasé
je ne t’en veux plus d’être parti
je vais alléger ta peine à vivre
c’est mon métier ma pitié
c’est toi
reviens-moi Stéphane
comme les migrateurs
aux prémisses du printemps
que nous montrions du doigt en riant
l’année dernière souviens-toi
il y a un an seulement
un an
c’est si loin