Souple compromis, il permet de souffler en plein course ; il articule une pensée qui mérite qu’on l’infléchisse pour lui donner davantage de fermeté ; il est ce silence qui suit la rencontre et précède le baiser ; il est cette méditation cigogne sur son pied ; c’est un pont sur le fleuve ; ce tronc sur lequel on s’appuie un moment, debout, avant de repartir ; un regard brièvement échangé avec le lecteur en train de lire ; sa verticalité (semi-colonne) lui donne des allures de ruine antique ; sourire vertical, il encourage le lecteur ; il pèse un peu, à peine ; la virgule est au vent, le point-virgule à l’accalmie ; c’est un enfoncement métaphysique dans le rythme ; c’est la mort vue par un vivant au souffle doux ; c’est le silence du contretemps nommé 7 ; c’est juste avant l’endormissement ; accélérons :
vis qui a du jeu exprès ; gond qui valorise l’ouverture d’esprit ; mangrove du style ; isthme du ton ; cliquet de la méditation ; frottement des idées ; étincelle de silex écrits ; marchepied de la pensée ; conjonction purement graphique ; signe qui ne se dit pas mais s’entend ; langue suspendue à l’intérieur du palais ; tiret soufflé mais pas joué ; homme et femme arrêtés sur l’étreinte ; trace de main levée où l’esprit se voit faire ; aberration écrite car le point est « en haut » ; concluons :
Le point dit la mort, la virgule la vie, c’est le blason de l’écriture.
Bonjour Raymond, c’est très drôle car je viens de terminer un livre construit avec des phrases d’une longueur jamais vu encore, où le point-virgule à une place prépondérante ! J’en parlerai prochainement. Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année, Claude
Ah oui, ces hasards! Et puis la fascination du point virgule… c’est quand même une drôle d’invention ce truc qui dit une chose (j’arrête) et son contraire(je continue), un peu comme le “without” anglais. Je voulais signaler sans doute des choses intéressantes chez Jacques Drillon mais je ne retrouve plus son livre sur la ponctuation. Je me souviens que Pascal Quignard dans le tome II de ses petits traités (XVIIème traité, page 386 Folio), date toutes ces choses: le point date de l’antiquité, la virgule du VIIIème siècle et notre cher point-virgule apparaît au XVIIème siècle.
Pour le point-virgule j’avoue que la lecture de la Recherche m’a stimulé pour l’utiliser. Je l’aime beaucoup comme vous l’avez compris! J’espère que vous en parlerez bientôt de cette histoire de point-virgule… Je vous souhaite également de bonnes fêtes de fin d’année. Toute mon amitié vous accompagne. Raymond.
Donner vie à la ponctuation, elle qui donne la vie au rythme de la phrase, quel délice. J’ai lu un jour un livre sans aucune ponctuation, et je me suis retrouvée un peu perdue, mais en m’accrochant j’avais pu “inventer” mon rythme. Je suis en train de finaliser le billet sur le livre ukrainien dont je vous ai parlé, en fait, il y a un grand nombre de virgule, point virgule, deux points, tirets et des phrases d’une longueur incroyable et très intéressante. bonne soirée, Claude
On ne sait exactement quel souffle intérieur est réglé par la ponctuation sauf le point qui est évident. On dirait que la virgule par exemple parfois accélère la lecture, comme un léger coup de fouet pour faire avancer la phrase cheval. C’est la lecture intérieure qui est le vrai mystère. Finalement le roman ukrainien dont vous parlez a sûrement bien des charmes. On pourra lire dans Claude Simon un emploi de la virgule qui aussi très stimulant, mais qui ressemble davantage à un coup de pinceau qu’à un léger coup de fouet. Il s’agit de respirer: voir par exemple sur les partitions individuelles de musiciens à vent l’emploi de la virgule comme moment où on peut reprendre son souffle. Mais c’est une imitation des textes écrits. On dirait que la ponctuation introduit la vie dans le texte “mort”, écrit. Un oral dans la fixité de l’écrit. Bonne journée à vous. Raymond.
On pourrait dire en résumé que la ponctuation est la figuration de la présence du corps du lecteur. Mais ça se discute. L’auteur écrivant place là aussi sa présence physique, sa vie. Le livre au texte mort est ravivé par la lecture ponctuée. Le livre tourne le dos à la vie quand il repose vertical sur l’étagère. L’ouvrir c’est le faire vivre et la ponctuation dit où l’on respire, où l’auteur et le lecteur se font des clins d’œil. La fixité du texte intangible s’anime à travers la ponctuation. C’est comme l’âme à l’intérieur du violon, sa résonance: lien et lieu où le vide se fait plein.