Pierre Sudreau(1919-2012), ancien résistant déporté et ministre de la reconstruction du Général de Gaulle, confie à François George en 2003 ( « Sans se départir de soi » éditions Tirésias 2004) une anecdote tirée de ses années d’internat.
« … Mon père était mort(1923), ma mère travaillait, et j’ai été plusieurs années pensionnaire au lycée Hoche de Versailles.
Pendant cette période difficile ma mère m’a offert un des premiers livres de Saint-Exupéry, Vol de Nuit. Ce livre m’a enthousiasmé, alors que j’avais une douzaine d’années, et par l’intermédiaire des éditions Gallimard, je me suis permis d’adresser une lettre à Monsieur Antoine de Saint-Exupéry pour lui dire que son livre m’avait enthousiasmé, qu’il m’avait permis de m’évader, de voyager dans les étoiles et que je voulais être aviateur. Lettre d’un gosse enthousiaste. Ce qui n’était pas prévu c’est que Saint-Exupéry m’a répondu, il m’a envoyé une lettre très gentille. Depuis lors, nous ne nous sommes plus jamais quittés jusqu’à la guerre. Il venait, avec l’autorisation de ma mère, me chercher le jeudi, il m’invitait à déjeuner en me racontant des histoires, et quel malheur, je n’ai pas gardé les nappes de papier sur lesquelles il dessinait, notamment les prémices du Petit Prince ».
En marge de ce récit Pierre Sudreau note négligemment qu’il avait durant toutes ces années l’habitude de porter une grande écharpe, dont on voudra bien admettre qu’elle était jaune.