Si je la nomme mystérieuse, c’est qu’elle nous est proche, sa voix rare n’est pas faite pour éclaircir sa fine obscurité, je la sens toujours là et si l’ange parfois avec son ironie particulière croise son chemin et tente de freiner son avance, elle l’écarte en souriant d’un petit mouvement de main et lui, d’habitude obstiné et drôle dans sa fraîcheur céleste, se dérobe d’un coup d’aile, modeste frisson d’effacement. Il le fait d’autant plus volontiers qu’il sait qu’elle n’a aucune part dans ses agissements, lorsque l’aube et le couchant s’embrasent ou que le soleil nous fait cortège avec ses rires et prolixes survenues entre deux nuages : ce n’est pas du domaine de la visiteuse, et quand elle le chasse ainsi du bout des doigts, elle lui signifie qu’elle est venue non pour enchanter directement le jour mais pour affirmer au présent le perpétuel passage; voici plus précisément ce qu’elle lui murmure de sa voix insistante ; « Je ne te suis pas dans tes jeux de feu follet, j’étais là bien avant et si tu ne me connaissais pas, c’est que tu n’avais pas le regard suffisamment affûté. Maintenant, tu sais. Oui, tout est passage, et même l’instant où je le dis. Reste, cher ange, que je t’aime et ce n’est pas que passage. »
Je reproduis ici quelques mots saisis (et répétés par l’ange) au hasard de son bref dialogue avec elle ; il me semble, à y réfléchir, que ces propos ne s’adressaient pas uniquement à l’ange, mais aussi un peu à moi, toujours en quête d’un point fixe qu’à défaut d’un autre mot je nomme écriture. Aimer, écrire, c’est tout un.