3 poèmes de pluie

midi

crudité trouble

des midis barrés

par les charges d’ouest

qui lestent l’air

la peine enivre

jusqu’au fond du salon

et janvier l’élégant

pensait-on

alourdit de haillons

les heures et les hommes

le voisin court

nuque mouillée

je le salue par la croisée

il éternue

gratte ses bottes

sur le paillasson rétif

ma vie compte à peine

guirlandes

la pluie s’ingénie

à déposer au plus fin

des brindilles

ses plombées fraîches

les gouttes accrochées

se font perles d’un collier

cent mille clochettes

font guirlandes de l’an

gammes pour les yeux

mon coeur les enclosent

avant qu’elles s’éparpillent

ensemençant l’humus

bonne chance

dans leur chute

car sous mes pas crispés

leur sort est scellé

en négatif sous ma semelle

vivre

le silence de l’humide

n’est jamais net

toujours gloussant

les gouttes font au cou

comme un nid blessure

j’aurais dû rentrer

l’eau du ciel me brûle

mes vertèbres protestent

on n’est pas des gouttières

et le dos m’est à douleur

billes projetées maladives

porteuses d’affections

que le vieil âge aggrave

je souris de ces calamités

que j’invente à plaisir

pour dire que j’ai vécu

et j’ai vécu

Toutes les réactions :

1Barbara Rousseau

cheminée

veuve de son feu 

la cheminée résonne tragiquement

l’âtre encore ouvert par le haut 

laisse monter un ronflement d’orgue 

qui me rassure pourtant

c’est un gros chat qui rêve

calé dans mes tympans

il fuit parfois vers les aigus

dévore la chaleur de la pièce

et au lieu de refermer le volet

de ma cheminée palpitante 

je me serre dedans le foulard

remonte ma couverture

et me voilà en pleine tempête

porté par le vent que j’appelle

viens mon janvier viens 

enrage contre enrage toi encore

ma maison ne risque pas le souffle

du loup et je me rêve en mouton

attentif auditeur des bises

les orgues chantent les amours

délices au féminin

le ferme présence du chat fictif

m’amène à sourire du ronron

que le silence des murs fait résonner

les branches au dehors se balancent 

claquent se battent s’éprouvent

au vent qui fait sa scène de ménage

notes graves puis notes aiguës

toutes les répliques sont là 

décidément tempête de janvier 

tu n’es qu’une pauvre pièce de boulevard