Le hasard fait en cette saison bien mal les choses; c’est Lui que je dois soigner, dorloter, consoler, piquer, alors qu’Il n’a cessé de faire de notre vie commune passée une enfer privé, très privé, où je fus en effet privée de tout. Il fut immonde; Il est malade et doucement, je ne dirais pas tendrement, mais avec toute la charité dont mes doigts sont capables, je pousse le liquide dans Sa veine; mon métier d’infirmière jamais ne fut plus utile qu’à cet instant;des larmes de rage brouillent mes paupières mais l’habitude supplée la claire vision du geste. Je ne tremble pas, même si… je me dis qu’Il doit vivre, tout monstrueux qu’Il fut, ce bout de chair qui est un homme. La mécanique du respirateur va moins vite que mon coeur; Il a bien de la chance. Passant la main sur mon cou, j’éprouve la douleur encore sensible du bleu qu’Il me fit tant de fois. Tout est simple désormais: je Le sauve… puis je me sauve… avec les enfants.