la gondole

longs méandres de la rivière passée
années lourdes
qui brûlèrent les illusions d’alors
(ça vêt l’imaginaire)
cultivant les idées de carton
j’ai avalé l’alcool sec des concepts
puis recrachant depuis la prison des mots ce monde trop humain
j’ai ouvert la bonde de ces filandreux affects
et réinstallé le monde à sa place
papillons saisons fleurs étoiles îles confins
sur la rive le pas s’est enfin affermi
c’est heureux
il était temps

la sombre gondole glisse vers moi
quand viendra le creux de l’hiver
le chanteur qui la gouverne va demander des comptes
je dirai m’excusant d’un sourire
que je ne l’attendais pas que je vivais vivais vivais

et léger comme le cabri
je sauterai dans la gondole
au risque de la faire chavirer sur les flots de la nuit

un départ

ton visage
seule partie émergée de ton corps vif
tu portes tes doigts gantés à tes lèvres
tapotant une mélodie d’antan
j’hésite
à sourire au souvenir de la chambre qui s’ouvrit sous nos pas
ses volets sont clos
et la neige qui fond au tonneau de la cour
clapote sous le noir de midi
ce printemps cruel s’oubliera
en quelle saison revivrons-nous
je te le demande

écarte tes gants que j’encadre ton visage
on siffle quelque part
le rappel des amants
on siffle quelque part
la venue du printemps
avec marjolaine tendres feuilles
mes mains sur tes joues
gardent l’antique tendresse
elles se souviennent de tout
hiver bois vents ouragans
et nous voici sur la place
où le car fait rouler ses énormes grognements de timbale